GALERIE
La Vingt-Cinquième Heure

Elle brille dans L’Enfant du paradis, son tout premier film en France depuis près de 10 ans. Rencontre

Comment vous retrouvez- vous dans L’Enfant du paradis de Salim Kechiouche, votre premier film en France depuis 2014 ?

Nora Arnezeder : J’ai rencontré Salim il y a plus de 10 ans sur le tournage de Ce que le jour doit à la nuit d’Alexandre Arcady. On s’était immédiatement très bien entendu, on avait passé beaucoup de temps ensemble et je me souviens très bien qu’il m’avait dit qu’un jour il deviendrait réalisateur et qu’il filmerait mon rire ! Il a donc tenu parole (rires). En tout cas, à partir de ce tournage, même quand je suis partie m’installer aux Etats- Unis, on ne s’est jamais perdu de vue, on s’est toujours soutenu. Et j’ai évidemment été très touchée qu’il me propose de jouer dans son premier long. Il était alors encore en pleine écriture. Il m’a expliqué qu’il n’était pas encore sûr du personnage, que ce ne serait que quelques scènes. Evidemment, j’ai accepté avec enthousiasme. Et puis une fois l’écriture terminée, il m’a rappelée pour me dire que finalement il s’agissait du rôle principal féminin

Vous y incarnez en effet la compagne très solaire du personnage qu’il interprète lui- même : un comédien entrevoyant enfin le bout du tunnel après une très longue traversée du désert mais qui va être rattrapé par ses vieux démons. Qu’est-ce qui vous a particulièrement séduit dans ce scénario ?

J’ai d’abord ressenti combien ce film où on parle aussi de deuil et de comment se reconstruire après la mort d’un être cher, en l’occurrence une mère, lui était personnel. Et ça m’a bouleversée. Car même s’il part de ce qu’il connaît – le métier d’acteur – le récit qu’il propose est universel. Et surtout il y a chez Salim cette manière de ne pas avoir peur des émotions sans pour autant jamais se montrer larmoyant. Il sait glisser de l’humour dans les moments les plus sensibles.

C’est plus facile de travailler sous la direction d’un ami ?

J’ai eu encore plus le trac que d’habitude avant de de débuter le tournage. Car la peur de le décevoir était plus forte que pour tout autre metteur en scène. Ca te rajoute de la pression. Mais au final, tout s’est révélé extrêmement fluide. J’aime la liberté et la folie de Garance que j’interprète. Et moi qui ai souvent joué des personnages éloignés de moi, c’est le premier dont je me suis senti aussi proche. Comme si Salim me l’avait écrit sur mesure. Même si au fond j’ai vraiment découvert qui elle était en tournant. Salim a souvent laissé la caméra tourner une heure et demie sans couper et, forcément, je finissais par oublier sa présence. Par cette méthode, Salim permet à ses acteurs de s’oublier et de vivre pleinement la situation.

Ce travail passe aussi par des répétitions ?

On a beaucoup parlé du personnage et on travaillé en amont avec Pascale Arbillot et Zinedine Soualem qui jouent mes parents. Ces moments ont permis à Salim de créer et le cadre à l’intérieur duquel on allait pouvoir évoluer avec une grande liberté.

Qu’est ce qui vous a le plus épaté chez lui ?

Sa manière de nous embarquer tous sans prétention dans cette aventure. Salim ne survend jamais les choses. Il agit au lieu de parler. Et c’est ce qui explique aussi pourquoi ce film me touche autant. On a passé 20 jours de tournage passionnants sans même savoir à ce moment- là si le film sortirait un jour au cinéma. C’est donc la qualité de L’Enfant du paradis et rien d’autre qui a poussé un distributeur, La 25ème heure, à s’engager.

Y a-t-il aussi un plaisir particulier à retravailler dans un film français après cette décennie où vous avez enchaîné les films américains ?

En fait, toutes ces années, j’ai attendu un film comme ça. Je suis reconnaissante de tous les rôles qu’on m’a offerts en France à mes débuts et de tout ce que j’y ai appris. Mais à un moment, j’ai eu besoin et envie d’autre chose. J'en avais marre de jouer un peu toujours le même type de personnages. Alors je suis partie m’installer aux Etats-Unis pas pour y faire carrière, mais pour le style de vie que j’y ai trouvé et qui me convenait. Sur place, j'ai tourné des films d'auteur, des films de science- fiction et des blockbusters. Mais tout ce temps, je rêvais qu’un réalisateur français me propose un film d’auteur à la Kechiche que j’admire, avec cette énergie et cette vérité- là. Et puis la proposition de Salim est arrivée. Mes prières ont été exaucées. C’est à mes yeux mon plus beau rôle et mon plus beau film.

L’ENFANT DU PARADIS

De et avec Salim Kechiouche. Avec aussi Nora Arnezeder, Hassane Alili, Pascale Arbillot… Durée : 1h12. Sortie le 6 décembre 2023