Affiches sorties de film mercredi 24 août 2022
Metropolitan Filmexport/ Wild Bunch Distribution/ Gaumont

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
TROIS MILLE ANS A T’ATTENDRE ★★☆☆☆

De George Miller

L’essentiel

Entre deux opus de la saga Mad Max, George Miller se pose dans une chambre d’hôtel d’Istanbul pour réfléchir à son art et à notre inextinguible soif d’histoires, dans un conte ludique, joyeux et totalement envoûtant.

Alithea (Tilda Swinton), experte anglaise en narratologie, est invitée à un colloque à Istanbul, où elle analyse le conflit entre les récits mythologiques et les récits scientifiques. Estimant que les seconds ont définitivement supplanté les premiers, elle va être ébranlée dans ses certitudes par une succession de phénomènes surnaturels. Après l’achat d’une babiole dans le Grand Bazar, elle réveille en effet un djinn (Idris Elba), endormi depuis des années. Celui-ci, comme il se doit, propose à Alithea d’exaucer trois de ses vœux. Mais elle refuse car elle sait que, dans les contes, les histoires de vœux finissent mal en général. Le djinn en profite alors pour lui raconter son fabuleux parcours au fil des siècles.

George Miller, qui a fracassé le cinéma contemporain en 2015 avec Mad Mad : Fury Road et en tourne en ce moment le prequel Furiosa, marque ici un temps d’arrêt, fait le contraire de ce qu’on attend de lui et s’interroge sur la façon dont les histoires qu’on (se) raconte structurent notre rapport au monde, sur la fiction comme puissance de réenchantement, ainsi que sur son propre art de storyteller. Son film voyage dans un univers féérique, au kitsch joyeux, évoquant l’orientalisme naïf des productions hollywoodiennes de l’âge d’or. Les histoires racontées par le djinn sont serties de visions fantastiques, enivrantes, barrées, parfois hallucinantes, portées par un montage extraordinairement fluide, qui fait écho à l’agilité intellectuelle des personnages, dont la joute verbale vire, en cours de route, au flirt amoureux. Conte philosophique se métamorphosant en love story magique, Trois mille ans à t’attendre est un grand film-somme en même temps qu’un petit film-essai, cherchant à contenir les obsessions de son auteur dans une forme à la fois ramassée et libérée, contenue et délirante, modeste et grandiose.

Frédéric Foubert

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PREMIÈRE A AIME

LEILA ET SES FRERES ★★★☆☆

De Saeed Roustaee

Un an après La Loi de la Téhéran, Saaed Roustayi met en scène les (més)aventures d’une jeune femme tentant envers et contre tout de sortir sa famille de la faillite où l’a conduite sa bande de frères, magouilleurs sans envergure. Elle trouve ainsi la bonne affaire capable de remettre tout ce petit monde à flot et avait tout anticipé sauf le fait que son père préfère consacrer ses économies à une donation pour le mariage d’un cousin de la famille et devenir le patriarche du clan. Un titre prestigieux auquel il n’entend renoncer pour rien au monde, quitte à précipiter la ruine des siens. Inscrit dans un Iran étranglé par une crise économique massive, Leila et ses frères met trop de temps à démarrer mais une fois cette installation opérée, le film décolle au gré de scènes explosives où aucun de ces personnages n’entend se laisser marcher sur les pieds et céder un pouce de terrain. Il y a du Affreux, sales et méchants dans cette tragédie familiale qui flirte plus souvent qu’à son tour avec la comédie noire et joue avec l’épuisement des spectateurs. Leila et ses frères ne cherche jamais à se rendre aimable et va au bout de son parti pris façon jeu de massacre des travers d’une société iranienne gangréné par les dérives du patriarcat et des magouilles sans éclat à tous les étages.

Thierry Cheze

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RUMBA LA VIE ★★★☆☆

De Franck Dubosc

Pour Franck Dubosc, il y a eu un avant et un après Tout le monde debout. L’accueil critique et public reçu par sa première réalisation a ouvert une voie que prolonge Rumba la vie où on le retrouve en vieux garçon revenu de tout, qui, après un pépin cardiaque, va affronter son passé en s’inscrivant incognito dans un cours de danse dirigé par sa fille qu’il n’a jamais connue en espérant renouer avec elle. Comme dans Tout le monde debout où son personnage se faisait passer pour handicapé, le mensonge est donc au cœur du récit mais se trouve vite éventé pour raconter, sans cet artifice, une relation père- fille en construction précaire, où, sans se départir de son humour, Dubosc fend l’armure plus qu’à son habitude et donne la pleine mesure de son jeu. Et si Rumba la vie n’est pas exempt de défauts, sa sincérité désarmante et son premier degré assumé rendent le propos attachant et profondément émouvant de bout en bout.

Thierry Cheze

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LES VOLETS VERTS ★★★☆☆

De Jean Becker

A la base on trouve un roman de Georges Simenon. Pas une enquête du commissaire Maigret, mais le portrait d’un vieil acteur usé, lassé, qui va mourir. Ecrit en 1950, ce portrait d’un monstre sacré fait partie des romans blêmes de l’écrivain belge, épurés et méditatifs. A la fin de sa vie, Maurice Pialat pense un temps l’adapter et convainc Depardieu de jouer cet acteur envahissant. On voit bien ce qui, dans le roman, avait pu plaire au cinéaste : la brièveté, la progression lapidaire, l'ellipse. Et puis l’homme nu, sans fard. Pialat disparu, le projet s’enlise jusqu’à ce que Jean Becker, vingt ans plus tard, le récupère. Toujours avec Depardieu. Ecrit par Jean-Loup Dabadie disparu il y a deux ans et dont on retrouve ici la nonchalante mélancolie, la passion pour les cafés et les saltimbanques, le film raconte donc l’errance d’un comédien surdoué au seuil de la vie. Futur et passé se télescopent, regrets et angoisses s’imbriquent, et le souvenir d’une femme jadis (mal) aimée (Fanny Ardant radieuse) se recompose quand débarque une jeune femme qu’il ne peut décemment pas séduire… De Paris à la côte méditerranéenne, de courses de taxis en répétions de théâtre, Becker tisse donc le portrait d’un acteur en sursis. Rien de neuf sous le soleil direz-vous, tant réaliser le film testamentaire de Depardieu semble être l’obsession de tous les cinéastes qui l’emploient depuis maintenant des années. Il y a de cela évidemment, mais Becker et Dabadie lui offrent un peu plus que cela. Un espace de liberté où l’on peut enfin le voir jouer, vivre, respirer. Car le scénario volontairement lâche (il s’agit d’une succession de moments de vie), la mise en scène minimaliste, permettent à l’ogre de faire des prouesses. Tour à tour tellurique ou gracieux (la scène du menu), grave ou enjoué, il rappelle ici sa puissance phénoménale.

Pierre Lunn

WILD MEN ★★★☆☆

De Thomas Daneskov

Homme au bord de la crise de nerfs pourrait être le sous- titre de cette comédie mâtinée de thriller dont le personnage central, quadra père de famille en apparence sans histoire, en route pour un séminaire, décide dans un coup de folie de tout plaquer pour s’installer comme ses lointains ancêtres, sous une tente, uniquement vêtu de peaux de bêtes dans la forêt norvégienne. Avec comme camarade de jeu, un dealer en fuite, rencontré par hasard qui l’emmène dans un village dont les habitants vivent comme au temps des vikings. Il y a du Fargo et une pincée de The Revenant dans ce buddy movie et cette cavalcade burlesque qui dessinent aussi en creux la crise d’une certaine masculinité incapable de formuler son mal- être à ses proches et le fantasme d’un retour à la nature bien loin des images d’Epinal. Le tout avec un sens aigu du comique de situation, piquant sans être moqueur.

Thierry Cheze

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

BEAST ★★☆☆☆

De Baltasar Kormàkur

Peu de temps après la mort de sa femme d’une grave maladie, le Docteur Nate Daniels (Idris Elba, impeccable) revient passer des vacances avec ses deux filles dans le pays où il l’avait rencontrée, l’Afrique du Sud, afin de resserrer des liens abimés. Voilà pour le point de départ du nouveau long métrage de Baltasar Kormàkur à la mise en place un peu longuette pour arriver à l’essentiel. Au cœur de son récit. Et au fond à la seule raison d’aller le découvrir. Les face à face successifs, au cœur d’une réserve naturelle, entre cette famille et un lion assoiffé de vengeance après le massacre de sa tribu par une bande de braconniers sanguinaires. Ce côté survival dans la jungle tient toutes ses promesses par sa tension, sa mise en scène sans chichi (le réalisateur d’Everest sait faire des univers hostiles ses terrains de jeu favoris) et la qualité des CGI. Si bien qu’on aurait rêvé d’un film plus radical uniquement centré sur ces combats à la vie à la mort. Mais hélas il faut se coltiner le scénario de Ryan Engle (Non- stop), dégoulinant de bons sentiments autour de ces retrouvailles familiales dont on voit toutes les ficelles qui vont conduire à la réconciliation et dénonciateur lourdaud des atrocités commises par les braconniers. Trop de blabla pour ne pas nuire au résultat.

Thierry Cheze

LA DERIVE DES CONTINENTS (AU SUD) ★★☆☆☆

De Lionel Baier

Entamée en 2007 avec Comme des voleurs (à l’est) – road movie tout en autodérision, conduisant deux fils de pasteur de Suisse à Cracovie – puis Les Grandes ondes (à l’ouest) – autre road movie, sur la Révolution des Œillets cette fois- ci – en 2013, le suisse Lionel Baier poursuit sa tétralogie consacrée à l’Europe avec ce Dérive des continents (au sud), découvert en mai dernier à la Quinzaine des Réalisateurs cannoise. Il met cette fois- ci le cap sur la Sicile où Nathalie (Isabelle Carré, une fois encore remarquable), son héroïne, française, chargée de mission pour l’Union Européenne, doit organiser la visite d’Emmanuel Macron et Angela Merkel dans un camp de migrants pour montrer que tout est sous contrôle, alors que le chaos y règne en maître. Maniant l’ironie et la causticité avec brio, Baier touche juste pour pointer… les dérives absurdes et cyniques des politiques européennes. Il se révèle par contre moins convaincant dans le deuxième pilier de son récit, les retrouvailles inattendues entre Nathalie et son fils militant engagé auprès d’une ONG qui avait coupé les ponts avec elle depuis des années. Ce passage par l’intime – moins fluide, plus banal – finit par prendre trop de place et phagocyter le bijou de satire qui s’amorçait sous nos yeux.

Thierry Cheze

TAD L’EXPLORATEUR ET LA TABLE D’EMERAUDE ★★☆☆☆

De Enrique Gato

Et de trois ! Après A la recherche de la cité perdue en 2012 et Le Secret du roi Midas en 2017, Tad l’explorateur revient pour de nouvelles aventures sur grand écran. Et celui qui rêve de symboliser comme un grand archéologue en participant aux fouilles de sa fiancée y déclenche, en ouvrant accidentellement un sarcophage, une malédiction, propice à une succession d’aventures qui le conduiront lui et ses amis du Mexique en Egypte, en passant par Chicago et Paris. Il y a du Indiana Jones dans ce film rythmé au scénario bien troussé et aux personnages aussi secoués qu’attachants. Dommage que l’animation manque de relief et d’originalité.

Thierry Cheze

 

Et aussi

Le Bal de l’enfer de Jessica M. Thompson

Liger de Puri Jagannadh

Sing a bit of harmony de Yasuhiro Yoshiura

Reprises

Memories de Koji Morimoto, Tensai Okamura et Katsuhiro Ôtomo

Rebecca de Alfred Hitchcock