Toutes les critiques de Si Beale Street pouvait parler

Les critiques de Première

  1. Première
    par Thierry Chèze

    Remis sous le feu des projecteurs avec le docu de Raoul Peck, I am not your Negro, l’écrivain américain James Baldwin n’avait jamais vu une de ses oeuvres portée sur grand écran aux États-Unis, jusqu’à présent. C’est Barry Jenkins (Moonlight) qui s’attaque à ce Si Beale Street pouvait parler, déjà adapté au cinéma, mais à Marseille, par Robert Guédiguian (À la place du coeur). Jenkins, lui, replace le récit dans son contexte originel : les rues de Harlem au début des années 70. Et en respecte la grande ambition, celle de mêler histoire d’amour et manifeste politique. La romance est celle, vibrante et sensuelle, de deux jeunes Afro-Américains, Fonny et Tisch. Le manifeste politique, c’est la dénonciation puissante des violences subies par cette communauté à l’époque, à travers la descente aux enfers vécue par Fonny, accusé à tort d’avoir violé une Portoricaine, encouragée à le dénoncer par les forces de police. En remontant ainsi le temps, Jenkins raconte aussi et surtout notre époque, où être afro-américain au temps de Trump ressemble à un enfer. Mais il le fait avec ce qui constituait déjà la patte de Moonlight : cette certitude que sa mise en images ne doit jamais être redondante avec la noirceur du récit. Les couleurs sont chaudes, les comédiens à la beauté renversante filmés avec un amour inconditionnel. Jenkins a un sens infini du romanesque et on pardonne quelques scories (un personnage de flic au-delà du caricatural...) pour saluer cette réussite.