Toutes les critiques de Donnie Brasco

Les critiques de Première

  1. Première
    par Jean-Yves Katelan

    Mon flic chez les affranchis ou l'arroseur arrosé. Tous les personnages de cette histoire ne sont pas fictif. Vers 1975, un agent du FBI, Joe Pistone, a effectivement infiltré la mafia new-yorkaise sous le joli pseudo de Donnie Brasco. L'opération a duré six ans, et son adoption par la "Famille" s'est faite au détriment de la sienne. Il a failli également y perdre son âme, entre autres... Pistone/Brasco, dont le visage est, aujourd'hui encore, tenu secret, revêt ici les traits de Johnny Depp. Et il gagne ses galons de mafioso en s'attirant la confiance de Lefty, un éternel second couteau - ou plutôt second flingue - de la Famille. Mais ce tueur à la moyenne semaine, ringard, usé, rusé, désabusé et frimeur, est aussi terriblement attendrissant. C'est normal, c'est Al Pacino.
    Pacino au bas de l'échelle de la mafia et au sommet de la pyramide d'Hollywood. On croirait volontiers que, de Mean Streets en Casino, Scorsese nous avait fait faire un tour complet de l'horizon des "affranchis". Mais finalement non. Mike "4 Mariages" Newell n'est pas Scorsese et, mieux, il ne se prétend pas tel. Ses partis pris académique et joviaux en sont la preuve. Peu d'effet de réalisation ici, hormis une caméra accrochée un peu en vain à quelque portière automobile. Surtout, il privilégie la comédie à la tragédie. Il aurait pu, comme Scorsese sait si bien le faire, filmer l'inéluctable Destin en marche; mais plutôt que grand héros tragiques, ses personnages sont des minables aux codes enfantins qui, s'ils côtoient la mort, passent le plus clair de leur temps à rouler des mécanique ou à défoncer des parcmètres au marteau...
    Ces enfantillages, font que Donnie Bracso n'est pas un film de plus sur la mafia, mais d'abord une comédie, souvent tellement comique qu'on croirait presque au pastiche : difficile d'oublier qu'avant ce mafieux un peu nul, Pacino fut jadis Parrain... C'est l'excellence, voire la perfection de l'interprétation, qui prévient le pastiche, rend les dialogues si savoureux et conserve un suspense sérieusement drôle. Car, au classement du meilleur acteur du monde, Al repasse nettement en tête : regardez comme il sursaute imperceptiblement - mais perceptiblement donc - à chaque coup de feu lors d'un défouraillage hystérique de Michaël Madsen... Et son talent est communicatif : il n'est qu'à voir la scène suivante ou Madsen, pénétrant dans un restaurant "familial" provoque un énorme éclat de rire à la table de son boss. D'abord ébranlé, il choisit de rire avec les autres, mais le regard plein de sous-entendus qu'il jette à cet instant est inoubliable. Quant à Johnny Depp, s'il est encore un peu frêle face à ces deux monstres, il défend néanmoins son rôle, difficiles, de héros-titre progressivement séduit par ceux qu'il combat et qui finit par se retrouver le cul entre deux traîtrise...