Dahmer
Netflix

Elle explique avoir coupé des scènes pour éviter de susciter la compassion du public pour le tueur en série...

Les tueurs en série seraient-ils devenus les nouvelles stars de Netflix? Ted Bundy, John Wayne Gacy, Charles Sobhraj (Le Serpent), Aaron Hernandez (Killer Inside), Charles Manson ou Edmund Kemper (dans le thriller Mindhunter signé David Fincher) et maintenant, Jeffrey Dahmer… Tous ont inspiré des séries ou documentaires à succès, des "true crime" dans le jargon. 

Parmi les biopics qui ont fleuri sur la plateforme ces dernières années, il y en a un que vous n'avez pas pu louper : Monster : The Jeffrey Dahmer Story. Adapté de l'histoire vraie de Jeffrey Dahmer, la mini-série met en scène l'acteur Evan Peters (récompensé aux Golden Globes), impressionnant dans le rôle-titre du serial killer condamné en 1992 pour avoir tué (drogué, violé, démembré…) 17 jeunes hommes à son domicile.

Dahmer, sur Netflix : Le true crime qui veut tuer tous les true crimes [critique]

Entre catégorisation curieuse sous le tag LGBTQ+ (pour le motif que la plupart des victimes étaient des hommes noirs homosexuels), accusations de motivations morbides de la part des producteurs et de capitalisation sur la souffrance des familles des victimes (lesquelles n'auraient pas été contactées par Netflix en amont de la production), Dahmer a pourtant écopé d'une bien mauvaise publicité… Ce qui n’a pas empêché à la série de Ryan Murphy (qui a fait de l'horreur psychotique sa signature depuis American Horror Story et plus récemment Ratched et The Watcher) de devenir un phénomène mondial, l’une des plus visionnées de la plateforme.

Beaucoup ont cependant dénoncé le côté "glamour" de la série et son scénario qui aurait participé à "romantiser" l’histoire sordide du cannibale de Milwaukee. Le réalisateur s’était d’ailleurs justifié à ce sujet en assurant qu’il ne s’était pas intéressé à l’individu mais au "monstre qu’il est devenu", sous le prisme des problématiques du privilège blanc, du racisme systémique et de l’homophobie. 

Dahmer sur Netflix provoque la colère des familles des victimes

De l’appartement glauque du cannibale reconstitué dans les plus sombres détails (les têtes dans le réfrigérateur, les outils sanglants en tout genre, le tonneau d’acide chlorhydrique nauséabond…) aux polaroïds des corps démembrés plus vrais que nature, sans parler des scènes de meurtres qui nous ont donné des sueurs froides… la série aurait-elle viré à l’obsession malsaine?

Force est de constater qu'elle relève le défi en instaurant un tel malaise. Si elle fait ressentir autant de dégoût, c’est aussi grâce au brillant travail de post-production de Stephanie Filo, la monteuse de la série. Cette année, son talent du montage a non seulement triomphé aux Emmy Awards pour Dahmer, mais aussi pour A Black Lady Sketch Show de HBO et History of the World, Part II de Hulu. Dans une interview parue dans The Hollywood Reporter, elle reconnaît que son challenge le plus grand était de travailler sur Dahmer :

"C’était très lourd à travailler, comme vous pouvez l’imaginer. Avec mon collaborateur, nous nous appelions au début et à la fin de la journée pour nous enregistrer et nous assurer que tout allait bien. Ma plus grande préoccupation était de retranscrire l'histoire aussi respectueusement et authentiquement que possible. J’ai regardé tellement de documentaires, lu des livres, écouté de la musique qui ressemblait au ton de la façon dont nous essayions de monter la série."

Lors du montage, elle assure avoir veillé à ce que le public n'éprouve aucune sympathie à l'égard du meurtrier. Une grande partie est pourtant consacrée à son passé, à ses premières dissections expérimentales, au divorce de ses parents et à ses difficultés sociales… Lors d’une interview accordée Variety, elle est revenue sur l’une des scènes de l’épisode 4, lorsque que le jeune "Jeff" Dahmer revient de l'armée pour dîner avec ses parents à Noël : 

"Cette scène devait être jouée en entier, mais elle semblait trop lourde pour la dynamique familiale", révèle-t-elle avant d’expliquer avoir longuement réfléchi aux découpes de montage qui s’offraient à elle pour mieux appuyer la noirceur de l’individu : "Cet entre-coupage et les choses bizarres qu'il a faites ont permis de contextualiser les événements horribles qui se produisaient, au lieu de rester focus sur un type qui traîne avec ses parents".

Elle s’est également souvenue du travail laborieux des séquences de procès et de leur forte charge émotionnelle. Filo s'est sentie investie d'une grande responsabilité, celle de respecter toutes les personnes impliquées et de mettre en avant leurs déclarations. Malgré ces efforts, une séquence en particulier a pourtant été contestée, celle de la sœur de la victime de Jeffrey Dahmer. Pour la famille directement concernée et de nombreux spectateurs critiques, difficile alors de différencier l’archive et la fiction et d’en instaurer les limites…

Dahmer, sur Netflix : ce qui est vrai, et ce qui a été inventé pour la série