Red Rocket
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L'histoire d'un ancien acteur porno, de retour dans son Texas natal.

Alors que Red Rocket sort aujourd'hui en salles, le film de Sean Baker n'a pas fini d'étonner son public. Présenté lors du 74ème Festival de Cannes, le long métrage est porté par Simon Rex, brillant dans le rôle de Mikey Saber, ex-acteur porno revenant s'installer avec son ex-femme dans sa ville natale de Texas City. Critique sociale, film politique ou comédie déjantée : Red Rocket ne rentre pas dans les cases. Retour sur un film coup de rein, qui ne lésine pas sur l'humour.

Red Rocket : un grand film politique porté par Simon Rex [critique]

Un pur produit du Covid-19. 

Comme l'explique Sean Baker à Première dans le numéro de février n°526, "ce film est un peu né par accident". "Je bossais sur un tout autre film depuis trois ans, on allait tourner à Vancouver et là, boum, la pandémie. Les frontières sont fermées, tout tombe à l'eau." Plutôt que d'attendre sans rien faire, Baker se voit proposer un financement pour faire un autre film, s'il dispose d'une idée à exploiter. Il se lance alors dans un autre projet, moindre, mais sur lequel il planche depuis près de cinq ans. "J'ai dans un coin de la tête l'idée de Red Rocket, un projet à moindre budget avec un petit casting, faisable malgré les contraintes sanitaires." Pur produit du Covid, car tourné à la fois pendant la pandémie mais aussi grâce à la pandémie, Red Rocket voit le jour. Et si Simon Rex incarne le rôle principal, c'est également à cause du Covid-19. "En janvier 2020, le travail n'était pas très florissant. Un jour je reçois un appel de Sean, que je ne connaissais pas du tout. Il me demande de réciter les quelques lignes d'un paragraphe qu'il vient de m'envoyer, et après avoir envoyé mon "audition" il m'a demandé si je pouvais me rendre au Texas dans trois jours. J'ai accepté, et il m'a tout de suite envoyé le script. En voyant la quantité de dialogues et de nudité, j'ai pensé : Merde. Mais je n'avais rien à faire d'autre, donc j'y suis quand même allé" raconte Simon Rex à propos de sa rencontre avec Sean Baker. Une rencontre précipitée, à l'image du tournage du film : rapide, sans vraiment de préparation pour les acteurs, pour lesquels les premières rencontres étaient souvent des scènes de sexe. "Je crois que ma première scène avec Suzanna Son [Strawberry dans le film] était une scène de sexe, donc nous avons dû apprendre à nous connaître très rapidement. Et puis ça fait apparaitre toutes les autres scènes plus faciles. De la même façon, ma première rencontre avec Bree Elrod, qui joue ma femme, était aussi une scène de sexe. Ce n'était pas fait exprès, mais ça nous a aidé pour tourner après." Une aisance nécessaire, en particulier pour un film tourné à la pellicule, qui demande donc de la précision, bien qu'il soit composé à 25% d'improvisation des acteurs.

Une étude des Suitcase Pimps

Outre son propos évident sur le monde du porno, avec un effet miroir créé par rapport à Simon Rex (lui-même ancien acteur de films X), Red Rocket se veut surtout être une étude du libéralisme américain et du concept de l'American Dream au travers des Suitcase Pimps. "En Californie, la loi autorise le travail de l'industrie du X à partir de 18 ans, et sans surprise, il y a un marché pour les jeunes qui viennent juste d'avoir 18 ans, il y a une demande, explique Sean Baker, ce qui intéresse Mikey, qui espère exploiter Strawberry et son âge une fois en Californie." Car avant de réaliser Red Rocket, Sean Baker s'est intéressé pour un précédent film au porno et a découvert un archétype d'hommes, qui une fois laissés sans travail deviennent en quelque sorte manager de leur compagne, et qui les exploite en gérant leur carrière. Des hommes qui ne représentent pas tous les hommes dans le porno, mais qui sont tout de même très présents dans le milieu. "Et à force de travailler avec eux, j'ai compris qu'ils étaient vraiment ambigus : ils sont en façade très charmant et amusants, j'ai passé de très bons moments avec eux, mais à chaque fois que je repensais aux histoires qu'ils me racontaient, j'avais un sentiment étrange. Et je voulais que le public ressente cette déchirure que je pouvais ressentir." Pour représenter cette déchirure, Simon Rex a dû travailler sur son charme enfantin, mais aussi créer un personnage apathique. "Il fallait que ce mec soit fun, qu'on puisse l'aimer. Sinon, c'est juste un connard ! Being cute, ça je sais faire. Par contre, les scènes plus dramatiques, où je devais être vulnérable... le challenge était là", explique Simon Rex à Première (n°526). Un peu gamin, l'acteur s'est plongé dans ses souvenirs d'enfance pour créer Mikey, ainsi que sur son imagination et son instinct. Et le résultat en vaut la peine : on ne sait pas vraiment quoi penser de Mikey. 

Les *NSYNC en hymne

S'ouvrant avec la musique Bye bye bye du boysband *NSYNC, popularisé grâce à Justin Timberlake, cette hymne de la rupture est rapidement devenue l'hymne du film. Et c'est à Suzanna Son qu'on le doit. "Nous avons vite découvert qu'elle savait particulièrement bien chanter et jouer du piano, donc nous avons écrit une scène pour qu'elle puisse chanter. En cherchant une chanson, nous avons essayé toutes les chansons sur la rupture possibles, et avons finalement choisi celle-ci, qui était la plus iconique mais aussi la plus chère. Nous n'avions pas le budget pour obtenir les droits au début de la production, donc nous avons rajouté la scène du piano en post-production, après avoir obtenu plus d'argent pour payer les droits."

 


Mais ça vient d'où, Red Rocket ?

Pour conclure, il est amusant d'expliquer le titre de cette production hybride, à l'image de son nom. En argot américain, Red Rocket signifie en effet beaucoup de choses différentes, mais désigne avant tout le pénis en érection des chiens. "Ça tombe bien, Mikey est une sorte de chien" pour Sean Baker. Mais de la même façon, Strawberry est aussi une Red Rocket, les joints fumés tout au long du film sont aussi des "fusées", les camions aussi... Autant de symboles qui alimentent le long métrage et témoignent de sa complexité.

Red Rocket, de Sean Baker, avec Simon Rex, Suzanna Son, Bree Elrod. Au cinéma depuis le 2 février. Sa bande-annonce :