Viggo Mortensen (Le Seigneur des anneaux : le retour du roi)
Warner Bros. France

L'ultime opus de la trilogie fête aujourd'hui ses 20 ans.

Le Retour du Roi est sorti en France le 17 décembre 2003, et a attiré chez nous pas moins de 7,3 millions de spectateurs. 

Pour célébrer l'anniversaire de ce blockbuster très populaire, Première vous propose de replonger dans les archives. Durant l'été 2015, la rédaction avait notamment choisi ce film au sein du dossier spécial 40 ans de blockbusters pour représenter l'année 2003. Bonne lecture !

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Le 29 février 2004, un film réalisé par un cinéaste néo-zélandais fait sensation aux Oscars en décrochant onze statuettes, égalant le record de Ben-Hur et Titanic.

Au-delà du frisson de voir une oeuvre d’heroic fantasy s'imposer pour la première fois à la prestigieuse cérémonie, ce succès du Retour du Roi vient surtout récompenser le travail colossal effectué durant près de dix ans par Peter Jackson (vous l’aurez reconnu) et ses équipes pour adapter la mythique trilogie littéraire du Seigneur des Anneaux, publiée cinquante ans plus tôt par J.R.R Tolkien.

Tournés d’une traite (entre octobre 1999 et décembre 2000) et sortis à un an d’intervalle (Noël 2001 pour La Communauté de l’Anneau, Noël 2002 pour Les Deux Tours et Noël 2003 pour Le Retour du Roi), les trois films ont offert le spectacle d’un work in progress permanent et ont su établir avec le public un rapport de familiarité dont s'inspireront bon nombre de studios.

Fruit de la vision d’un auteur obsessionnel et entièrement dévoué à son projet, la trilogie trouve donc son aboutissement artistique avec Le Retour du Roi, qui raconte justement la fin d’une quête consistant pour le hobbit Frodon Sacquet à triompher de l’adversité et des tentations maléfiques. Atteignant enfin l’idéal de divertissement total qu’il recherchait depuis les débuts de la trilogie, Peter Jackson, dont le destin semble désormais se confondre avec celui d’Aragorn, est logiquement couronné par Hollywood qui marchera sur ses traces et s’engouffrera dans une nouvelle façon d'appréhender la production de blockbusters. 

 
Metropolitan Filmexport

Dès 1995, le trentenaire Peter Jackson, réputé pour l’horrifique Bad Taste, le gore Braindead ou le tragiquement romantique Créatures Célestes, s’était mis en tête de porter à l'écran l’univers de Tolkien. Chargé par les redoutables frangins Bob et Harvey Weinstein - auréolés par le carton de Pulp Fiction - de raconter l’histoire du Seigneur des Anneaux à travers deux films (et un budget de 75 millions de dollars), Peter Jackson travaille d’arrache-pied au scénario avec sa compagne Fran Walsh et leur collègue Philippa Boyens, recrute les mythiques illustrateurs de la Terre du Milieu Alan Lee et John Howe et se penche avec son camarade Richard Taylor, patron de la boîte néo-zélandaise d’effets spéciaux Weta Workshop, sur l’élaboration visuelle et organique des créatures (Orques, Elfes et autres Nazgûl) imaginées par Tolkien. Mais alors que 15 millions de dollars ont déjà été dépensés par Miramax, les frères Weinstein réalisent que le budget initial va exploser et ordonnent à Jackson de raconter l’histoire de la Comté, du Mordor, du Rohan, du Gondor et de l’anneau unique en un seul film, en supprimant des séquences déterminantes comme celle de la bataille du Gouffre de Helm. Mais Jackson s’accroche à son ambition initiale et dispose d’un petit mois pour trouver un autre studio hollywoodien.

En rencontrant New Line Cinema, il se montre si convaincant que le studio lui propose spontanément de faire trois films. L’aventure prend alors une ampleur à laquelle Peter Jackson n’osait pas rêver et le budget final de la trilogie s’élèvera à 285 millions de dollars. Déjà auteurs de choix d’adaptation drastiques lorsqu’il était question de ne faire que deux films, Jackson et ses scénaristes accouchent d’un récit qui présente quelques différences majeures avec les romans de Tolkien, notamment dans le but de créer une plus grande tension dramatique.

De fait, cette lutte entre les forces du Bien et les forces du Mal emprunte presque autant dans son approche de la structure narrative aux trilogies cinématographiques de George Lucas (La Guerre des étoiles) et Steven Spielberg (Indiana Jones) qu’à l’univers littéraire proprement dit de Tolkien. L’intrépide Frodon (Elijah Wood), le magicien Gandalf (Ian McKellen) et le clairvoyant Aragorn (Viggo Mortensen) deviennent ainsi les héros d’un type de blockbuster assez nouveau, mêlant développements politiques, furieuses batailles, romantisme échevelé et contemplation de paysages merveilleux ou de créatures féeriques, éléments auxquels vient s’ajouter une tendance à l’humour graveleux (les vannes du Nain Gimli) et au spectaculaire le plus débridé (comment oublier les images de Legolas surfant sur son bouclier ?).

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Le fait d’avoir tourné simultanément les trois films a évidemment facilité la production mais donne également à Peter Jackson un recul inédit sur sa création. Obtenant unité esthétique et cohérence du jeu des acteurs, le réalisateur peut en plus monter en puissance au fil des épisodes et maîtriser progressivement les effets de montage et la qualité des effets spéciaux.

Retournant diverses séquences plusieurs mois avant la sortie de chaque volet et livrant chaque automne aux fans des versions longues extrêmement soignées, Peter Jackson peaufine sa trilogie en direct et parvient, après un deuxième film quelque peu critiqué pour son rythme flottant, à se surpasser avec Le Retour du Roi, qui accumule des séquences épiques d'une folle intensité : l’arrivée à cheval de Gandalf à Minas Tirith dévoile ainsi par paliers successifs l’architecture de la forteresse et crée par ce franchissement d’étages de plus en plus impressionnants un mémorable vertige sensoriel, six ans avant le retour en grâce de la 3D à Hollywood. La séquence du Chemin des Morts, où Peter Jackson prend un malin plaisir à plonger son trio Aragorn-Legolas-Gimli dans une esthétique quasi cartoonesque (le dernier film du cinéaste avant la trilogie ne s’appelait-il pas Fantômes contre fantômes ?), tranche également avec la pesanteur qui caractérisait parfois la mise en place de l’intrigue dans les deux précédents volets. On citera aussi le moment où les feux d'alarme du Gondor se rallument, qui n’est pas sans rappeler la flamboyance des épopées de David Lean.

Car Le Retour du Roi ambitionnait bel et bien de dresser un pont entre l’imaginaire de Tolkien et un certain classicisme hollywoodien : ces feux qui communiquent entre eux et forment une chaîne solidaire symbolisent alors à l’écran la cohésion qui a uni les collaborateurs de la trilogie (laquelle comptait au plus fort du projet sept équipes de tournage simultanées) et incarnent l’espoir qui n’a jamais cessé d’animer Peter Jackson (dont on raconte qu’il dormait quatre heures par nuit en raison de la quantité de travail requise).

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Vitrine de luxe pour les effets numériques de Weta Digital (Le Retour du Roi en contient à lui seul près de 1500), la trilogie a conçu le personnage de Gollum entièrement en images de synthèse à partir de la capture des mouvements du comédien Andy Serkis et a mis au point un logiciel permettant d’améliorer le réalisme comportemental de milliers de personnages numériques durant les scènes de batailles. Mais plus encore que la technologie, c’est bien la méthode de production de Peter Jackson qui se voit validée avec le triomphe critique et public du troisième film.

La même année 2003 a ainsi enregistré la sortie à six mois d’intervalle des deux suites de Matrix, Matrix Reloaded et Matrix Revolutions, qui ont bénéficié d’un tournage combiné sur le modèle du Seigneur des Anneaux. Mais le succès sera moins important que celui du Retour du Roi, carton planétaire qui jouit indéniablement du lien qu’il a créé avec le public en apparaissant trois Noëls consécutifs à l’affiche. Avec 1,1 milliard de dollars au niveau mondial, le dernier volet de la trilogie s'empare à l’époque de la deuxième place au box-office de tous les temps derrière Titanic.

Avec son planning de tournage autrement plus novateur que celui de la prélogie Star Wars (dont l’ultime volet, La Revanche des Sith, sortira en 2005), la trilogie de Peter Jackson marque donc les esprits. Si certains estiment que Le Seigneur des Anneaux a préparé le terrain au futur triomphe de Game of Thrones et a influencé Marvel pour son grand plan de bataille des années 2010 qui consiste à produire plusieurs films par an en croisant les univers, les intrigues et les personnages, on retient avant tout que Le Retour du Roi a consacré mondialement le talent iconoclaste d’un réalisateur néo-zélandais visionnaire qui a tenu à tourner l’intégralité des trois films dans son propre pays.

Après un détour par King Kong et Lovely Bones, Peter Jackson est revenu à l’univers de Tolkien en réalisant sur le même principe la trilogie du Hobbit (sortie à Noël 2012, Noël 2013 et Noël 2014). Les défis techniques étaient cette fois plus poussés (3D et HFR) et le succès public toujours au rendez-vous, mais le cinéaste n’a pas totalement retrouvé la magie ni le souffle de sa légendaire trilogie initiale. On ne peut pas réaliser tous les quatre matins l’œuvre de sa vie.

Damien Leblanc (@damien_leblanc)


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