Michel Piccoli
Connaissance du Cinéma / Studiocanal / Yves Boisset / Le Pacte

Retour sur les plus belles prestations de l’acteur disparu.

Michel Piccoli vient de nous quitter et laisse derrière lui une filmographie inépuisable de plus de 150 films -on ne compte même plus, à ce niveau-là. Difficile d’extraire dix rôles de cette carrière féconde, l’une des plus impressionnantes du cinéma français qui range Piccoli aux côtés des très grands, Gabin et Depardieu en tête. Essayons tout de même.

Disparition de Michel Piccoli

 

Le Mépris (Jean-Luc Godard, 1963)
Michel Piccoli a déjà 38 ans, une flopée de seconds rôles à son actif et une solide réputation d’acteur de théâtre quand Godard lui offre le rôle mémorable de Paul Javal, scénariste en mal de travail qui, par faiblesse et intérêt personnel, laisse sa femme se faire courtiser par un producteur américain. Le personnage Piccoli se dessine : ce sera l’interprète idéal d’hommes un peu veules, un peu manipulateurs, un peu mesquins, un peu masos. Sa route est tracée.
 


 

Belle de jour (Luis Bunuel, 1967)
Après le prêtre aventurier de La mort en ce jardin (1956) et le maître de maison obsédé du Journal d’une femme de chambre (1964), Michel Piccoli tient son troisième rôle pour Luis Bunuel, celui du soupirant pervers de Catherine Deneuve qu’il pousse dans la prostitution. L’acteur y joue l’affectation comme personne.
 


 

Max et les ferrailleurs (Claude Sautet, 1971)
On pourrait citer tous les rôles de Michel Piccoli chez Claude Sautet tant la collaboration entre les deux hommes fut l’une des plus fécondes du cinéma français. On en conservera néanmoins ce personnage de flic désabusé, focalisé sur sa mission d’infiltration au détriment de son histoire d’amour naissante avec une prostituée -incarnée par sa partenaire idéale, Romy Schneider. Son regard n’a jamais paru aussi triste et mélancolique. 
 


 

Les noces rouges (Claude Chabrol, 1973)
Entre 1968 et 1973, Chabrol aligne les chefs d’œuvre. Pour Les noces rouges, récit d’une passion meurtrière, le cinéaste refait appel à Piccoli, deux ans après La décade prodigieuse. Ce sera leur dernière collaboration et on peut le regretter tant l’obséquiosité et la violence rentrée dont savait faire preuve l’acteur servaient à merveille l’univers chabrolien.
 


 

La grande bouffe (Marco Ferreri, 1973)
Marco Ferreri est l’autre grand cinéaste fétiche de Piccoli, qui lui a notamment offert le rôle mémorable et absurde de Glauco, le dessinateur subversif de Dillinger est mort (1970). Dans La grande bouffe, farce au vitriol sur la société de consommation, Piccoli s’empiffre et trousse des jeunes femmes avec un appétit d’ogre. L’acteur a souvent été confondu avec ce rôle emblématique.
 


 

Sept morts sur ordonnance (Jacques Rouffio, 1975)
Premier des quatre films tournés par Michel Piccoli avec Jacques Rouffio, Sept morts... confronte l’acteur de cinquante ans avec le jeune effronté du cinéma français, Gérard Depardieu. Enfin, par flashbacks interposés, puisque Michel Piccoli interprète un médecin dont le destin tragique épouse celui de son successeur, à quelques années d’écart. L’acteur est presque dans un contre-emploi puisqu’il incarne cette fois un homme intègre poussé dans ses pires retranchements par un notable impitoyable.
 


 

Une étrange affaire (Pierre Granier-Deferre, 1981)
Ce film mésestimé est l’un des premiers à aborder de front la crise économique et ses conséquences sur le monde du travail. Piccoli y incarne un patron odieux, un pervers narcissique qui exerce sur l’un de ses salariés (Gérard Lanvin) une emprise maléfique. Le harcèlement professionnel, tel qu’on le définit aujourd’hui, se déroule sous nos yeux avec une mécanique psychologique impitoyable. On aime détester Piccoli.
 


 

Le prix du danger (Yves Boisset, 1983)
Michel Piccoli retrouve Gérard Lanvin pour ce film d’anticipation d’Yves Boisset dans lequel l’acteur incarne le Monsieur Loyal affreusement cynique d’un jeu télévisé de la pire espèce. Le personnage de Frédéric Mallaire (dont le nom fait bizarrement écho à celui de Bertrand Malair d’Une étrange affaire) fait partie de ces compositions baroques dont l’acteur raffole.
 


 

Milou en mai (Louis Malle, 1990)
Au début des années 90, Michel Piccoli s’installe volontiers dans les rôles de patriarche un peu débonnaires. Avec l’âge, ses traits se sont arrondis et adoucis. Le Milou du titre est un être rêveur qui, revêtu d’un voile d’apiculteur, récite Virgile aux abeilles pour les rassurer...
 


 

Habemus papam (Nanni Moretti, 2011)
Le dernier grand rôle de Michel Piccoli, celui d’un pape qui ne veut pas l’être. Habemus papam est autant un film sur l’indécision et les regrets qu’un documentaire sur un immense acteur vieillissant qui joue la régression avec le plaisir sans limites de l’enfant aux mains libres.