La folie des Grandeurs
Gaumont

Pourquoi le comédien français était un génie comique. La preuve par 2 avec deux films marquants de sa carrière, réalisés par des cinéastes majeurs de la discipline : Gérard Oury et Edouard Molinaro.

La Folie des grandeurs

Quand Louis de Funès retrouve Gérard Oury pour La Folie des grandeurs, il est au summum de sa gloire. Il vient de vivre une folle décennie depuis que Le corniaud, réalisé par le même Gérard Oury, l’a propulsé, à 50 ans, comme tête d’affiche comique. Le trio Oury – De Funès- Bourvil a renouvelé l’exploit l’année d’après avec La grande Vadrouille, film qui explosa les compteurs du box-office et resta longtemps un sommet à dépasser. Gérard Oury et Louis de Funès ont une grande complicité. D’abord parce que le cinéaste est très client de ses facéties – il rit volontiers sur le plateau- mais sans pour autant le laisser en roue libre. Pour lui, il est incontestable que De Funès avait du génie, « un véritable auteur comique ». « La vertu cardinale de Louis de Funès, confiait le réalisateur en 1990 dans une archive passionnante à consulter sur le site de l’INA, en accès libre pendant trois mois, c’est que c’était un des rares acteurs qui pouvait être odieux sans être antipathique. » Oury sait que De Funès aime jouer les tyrans, « les saloperies ». Il l’imagine parfait en noble « très plat devant les puissants, et très arrogant avec les petits" et précise "jouée par Louis, cette attitude odieuse prend une dimension humaine tragique, et c’est là que le tragique rejoint le comique. »

La Folie des grandeurs est écrit sur mesure pour De Funès et Bourvil, à la fois comme une adaptation très libre de Ruy Blas et un hommage aux origines espagnoles de Louis de Funès. Oury écrit avec ses complices habituels, Danièle Thompson et Marcel Jullian. Son titre de travail : « Les sombres Héros ». La mort de Bourvil à quelques mois du début du tournage manque d’emporter le projet, avant que Simone Signoret ne propose Yves Montand comme remplaçant. Le duo De Funès – Montand se révèle aussi surprenant qu’efficace. De Funès fourmille d’idées de gags qu’il prépare avec Yves Montand et propose à Gérard Oury. Le comédien, qui se rêve en Avare de Molière, se révèle génial dans des répliques qu’il immortalise comme « Qu’est-ce que je vais devenir, je suis ministre, je ne sais rien faire » ou « ne vous excusez pas, quand on est riche, on est désagréable ». La scène du réveil avec les pièces d’or est certainement une de ses plus grandes interprétations.

Hibernatus

Le pitch d’Hibernatus, tous les scientifiques en ont rêvé : faire traverser le temps à un être humain en le congelant. Face à cet ancêtre venu de 1900, Hubert de Tartas (interprété par Louis de Funès) va se révéler aussi retors que possible. Aux commandes de ce vaudeville original: Edouard Molinaro, un autre cinéaste habitué de De Funès. Il l’a déjà dirigé dans Oscar en 1966. L’ambiance sur le plateau était lourde en raison de la mésentente entre le réalisateur et l’acteur. De Funès a besoin qu’on réagisse à ses gags, Molinaro n’est pas très expansif. Pour autant, le cinéaste accepte de diriger de nouveau Louis de Funès dans Hibernatus, tiré d’une pièce de théâtre créée en 1957, à une condition : avoir l’aval du producteur Alain Poiré pour un projet qui lui est cher : Mon oncle Benjamin, avec Jacques Brel. Il lui est difficile d’accepter, ce que peu de cinéastes qui ont réalisé un film avec De Funès reconnaissent: renoncer à s’attribuer le succès de ses films « tellement sa part de création est importante ». « Louis de Funès, explique Edouard Molinaro dans un documentaire qui lui est consacré, visible sur le site de l’INA apportait beaucoup de choses aux adaptations des pièces comme Oscar ou Hibernatus, beaucoup d’inventions sur le plan du mime, sur le plan de l’expression des sentiments. » Louis de Funès reconnaîtra publiquement à la sortie qu’il n’était pas facile à vivre sur le tournage « autre fois j’étais angoissé, aujourd’hui, je suis inquiet » et s’étonnera lui-même du succès d’Hibernatus dont il trouvait le scénario inabouti. Il reste des moments cultes comme la scène de la tête qui dodeline, entièrement improvisée par Louis de Funès avec la complicité de Michael Lonsdale et bien sûr la gigue sur le prénom « Edmée » quand Hubert de Tartas révèle à l’aïeul de sa femme qu’il est un hiberné. Rien de tout cela n’était écrit.