Titre original The Power of the Dog
Date de sortie 1 décembre 2021 Sur Netflix
Réalisé par Jane Campion
Scénariste(s) Jane Campion
Distributeur Netflix
Année de production 2015
Pays de production Etats-Unis
Genre Western

Synopsis

Originaires du Montana, les frères Phil et George Burbank sont diamétralement opposés. Autant Phil est raffiné, brillant et cruel – autant George est flegmatique, méticuleux et bienveillant. À eux deux, ils sont à la tête du plus gros ranch de la vallée du Montana. Une région, loin de la modernité galopante du XXème siècle, où les hommes assument toujours leur virilité et où l'on vénère la figure de Bronco Henry, le plus grand cow-boy que Phil ait jamais rencontré. Lorsque George épouse en secret Rose, une jeune veuve, Phil, ivre de colère, se met en tête d'anéantir celle-ci. Il cherche alors à atteindre Rose en se servant de son fils Peter, garçon sensible et efféminé, comme d'un pion dans sa stratégie sadique et sans merci…

Toutes les séances de The Power of the Dog

Critiques de The Power of the Dog

  1. Première
    par Pierre Lunn

    C’est peut-être Julia Ducournau qui en parle le mieux. Mi-Octobre, avant de remettre le Prix Lumière à Jane Campion, la réalisatrice de Titane avait entamé une longue litanie : « A travers Sweetie, Janet, Ada et Flora, Isabel et Serena, Frannie, Ruth, Fannie, Robin et Rose, Jane Campion m’a montré la force sauvage ou résiliente, la désobéissance, l’irrévérence, la défiance, la violence, la solidarité, l’indépendance, la fragilité, le romantisme débridé des désirs bruts, et la liberté. » En écoutant cette longue liste des héroïnes de la cinéaste néo-zélandaise, on se demandait comment le protagoniste du Pouvoir du chien, l’immonde Phil joué par Benedict Cumberbatch, pouvait intégrer cette cohorte de femmes mal ajustées, jeunes et innocentes, qui se heurtent à un univers masculin où l’on ne pardonne rien. Et puis on s’est enfoncé dans cette tragédie westernienne et on a fini par comprendre : comme l'adorable Sweetie dégoulinait d'amour, Phil suinte de haine. Et ce qui fait de lui un personnage à part entière du cinéma de Campion, c’est au fond son extraordinaire complexité, ses désirs refoulés et son incapacité à se fondre dans le monde qui arrive. Sa solitude. Et sa soif de liberté…

    C’était le thème principal du roman de Thomas Savage dont le film est tiré. Une sombre tragédie cachée sous des allures de western bucolique. Campion a tout repris : les murmures du vent et la douleur des hommes, les chevaux qui s’ébrouent et les destins qui se brisent, les étés qui s’embrasent et la mort qui avance à pas de loup, en un crescendo tétanisant. Au cœur du Montana, au milieu des années 20, deux frères, célibataires endurcis, règnent sur un gros cheptel. George, le cadet, est un bosseur taiseux mais généreux. Phil, l’aîné, un bel esprit doublé d’un monstre calculateur. Cultivé, arrogant, pervers, il joue à la perfection son rôle de macho pour dissimuler un étrange secret… que le film révélera dans un stupéfiant moment de bascule. Quand George décide d’épouser Rose une ancienne serveuse qui vient s’installer chez ces deux frères avec son fils Peter, le drame peut exploser.

    La première partie du film est déroutante. Campion garde la simplicité rustique du roman de Savage, utilisant une forme très elliptique de narration. Elle ne parvient pas toujours à se débarrasser des symboliques freudiennes qui alourdissaient le livre, et son pointillisme n’excuse pas la caractérisation bancale des personnages. Le Phil de Cumberbatch est souvent caricatural et, ivre de belles images, la cinéaste le réduit à une silhouette expressionniste presque maladroite, un peu à l’image du Keitel en robe rouge de Holy Smoke. Jusqu’à l’arrivée de Peter dans le ranch, le film est bancal, à la fois mystérieux et étrangement académique, filmé à la David Lean (majestueux, imposant), mais virant trop souvent au néo James Ivory, donc lourdement mélo.

    Et puis quand on pénètre dans l’œil du cyclone, on retrouve alors la puissance de Campion, cette façon de nous faire glisser dans l’esprit de ses protagonistes, sa manière si particulière d’enregistrer les paysages et de filmer sur un pied d'égalité végétaux, minéraux et humains. Le dérèglement est permanent, on marche constamment sur un fil. Comme sa Sweetie, le jeune Peter voit des signes partout (en regardant une colline ou un cadavre d’animal). Et par la seule puissance de ses cadres, de ses intuitions, Campion nous fait comprendre que l'amour, la souffrance, la violence sont partout. Le Pouvoir du chien raconte qu’il ne faut pas avoir peur des grands sentiments. Ils sont plus grands, c'est tout. Ce n’était pas évident au départ, mais ce drôle de western revisite bien les grands thèmes qui innervent sa filmo - l'adolescence meurtrie, la monstruosité, le regard des autres. De là à joindre Phil à la cohorte de ses héroïnes inadaptées…

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