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Une grande conférence / débat était organisée hier, au Forum des Images, pour évoquer la magnifique série de Charlie Booker, qui met si bien le doigt sur les dérives de nos sociétés.

Séries Mania, ce n'est pas que des projections de séries. Ce sont aussi des débats et des conférences, pour mieux comprendre ce que l'on regarde. Hier, la première conférence de cette 8e édition traitait d'une thématique aussi passionnante qu'inquiétante : l'omniprésence de la notation dans la société moderne, via les réseaux sociaux et les nouvelles sociétés de service digitales. Alors faut-il liker pour exister ?

C'est le sujet majeur du premier épisode de la saison 3 de Black Mirror, sorti sur Netflix l'an dernier et réalisé par Joe Wright (Reviens-moi). Un épisode intitulé "chute Libre" et qui raconte un monde dans lequel chaque individu est noté par ses semblables. Hommes et femmes sont désormais hierarchisés selon leur niveau de "likes".

Deux experts en la matière, Michel Gien (PDG de la société TwinLife) et Laurence Allard (chercheuse à l'Université Paris 3), interrogés par la journaliste de Business Insider, Marie Turcan, ont cherché à analyser nos comportements actuels, pour tenter de déterminer si cet épisode de Black Mirror est tellement éloigné de notre propre réalité.

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"Cette série est un mirroir grosssissant de notre époque, de nos travers", expliquait d'abord Laurence Allard, devant une salle comble et curieuse. "D'une certaine manière, ce n'est même plus de la dystopie. Ce qu'on voit dans cet épisode, c'est quelque chose qu'on voit déjà aujourd'hui dans le travail par exemple. C'est pour ça que certains font des burn out. Être jugé, évalué, c'est déjà notre quotidien. Dans Black Mirror, tout cela est mis en exergue par la technologie, qui n'est en fait qu'un prétexe, à mon avis, pour évoquer les dérives de nos sociétés actuelles. Parce qu'avec Uber, Blabla Car, Tripadvisor ou Airb&b, on est déjà là dedans, dans une société de notation."

Laurence Allard note qu'au départ, "si on remonte quatre ou cinq ans en arrière, l'idée était d'aller dans l'intérêt général". Offrir un moyen d'améliorer la qualité des services. C'est par la dérive des comportements que le "like", la notation des individus, serait devenue insidieusement une pratique acceptée et intériorisée. "On est là dans le biopouvoir. C'est à dire qu'il s'agit carrément de prendre le contrôle de la subjectivité. On rentre dans le sociopolitique, comme en Chine où le gouvernement envisage de créer une système de notation des citoyens..."

Michel Gien tempèrait malgré tout cette vision : "La technologie n'est pas si mauvaise. C'est l'usage qui en est fait..."

Et Laurence Allard de conclure en saluant l'épisode de Black Mirror, qui ne se contente de pas de se moquer de la société actuelle, mais propose une porte de sortie à cette dérive : "Soit on hack le sytème de l'intérieur. Soit on passe par la défection, on se met en quelque sorte à l'écart de cette pratique sociale".
 
Pour vous faire votre idée, mieux vaut aller voir l'excellente saison 3 de Black Mirror, toujours disponible sur Netflix.

Black Mirror saison 3 vu par son créateur Charlie Brooker