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Le 2 mai prochain, Hollywood pourrait s'arrêter de tourner, comme en 2007.

Le mécontentement gronde à nouveaux aux abords des plateaux. Dix ans après la célèbre grève qui avait paralysé Hollywood pendant 100 jours, la Writers Guild of America s'apprête à descendre dans la rue, à nouveau. Le syndicat des scénaristes américains n'est pas content et n'arrive pas à se mettre d'accord avec les studios. Une nouvelle grève se profile sérieusement et pourrait débuter mardi prochain.

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C'est en effet à cette date que le précédent accord entre La Guilde et l'AMPTP (Alliance of Motion Picture and Television Producers), qui représente les studios, prendra fin. Un nouveau deal doit donc être signé. Mais pour l'heure, les deux parties n'arrivent pas à s'entendre, et selon Variety, les négociations n'ont guère avancé, ces derniers jours. Le compte à rebours file à toute allure. Si lundi soir, aucun compromis n'est trouvé, ce sera la grève générale.

Qui va faire grève ?

Pour qu'elle fonctionne concrètement, il faut que la majeure partie des 12 000 membres de la Writers Guild of America arrêtent leur travail pour les grands studios. Or, il y a quelques jours, les membres de la Guilde ont voté l'autorisation d'une grève à 96,3%. Cela montre leur détermination à aller au bout de leur mouvement. Dans une lettre interne distribuée cette semaine par le syndicat, les dirigeants de WGA invitent ainsi les volontaires à se préparer à une action immédiate, dès l'expiration du contrat : "Si cela se produit, nous serons là, le 2 mai avec des pancartes en mains", assure un syndicaliste à Variety.

Les grévistes viennent en plus de recevoir le soutien de deux fédérations importantes : la fédération américaine du travail et le Congrès des organisations industrielles, ainsi que l'association des joueurs de NFL (foot américain). Ils ont publié un communiqué sans ambiguïté, cette semaine : "Les membres de la WGA méritent un juste retour sur leur travail, dans cette ère incroyablement rentable pour leur industrie".

Pourquoi sont-ils en colère ?

En 2007, les grévistes réclamaient une meilleure couverture maladie et un pourcentage sur les ventes en DVD et le streaming. Aujourd'hui, il y a toujours un problème avec l'assurance maladie des scénaristes, en gros déficit (65 millions de dollars en 2020, que la WGA voudrait voir combler par les studios). Mais ils réclament surtout de plus gros cachets, pour chaque script. Car l'âge d'or des séries télé, dans lequel baigne actuellement le petit écran américain, passe par des shows plus courts et des saisons avec moins d'épisodes. Donc moins de travail pour les scénaristes, qui accusent ainsi une baisse de 23 % de leurs revenus. A cela s'ajoutent aujourd'hui des clauses drastiques d'exclusivité, dans leurs contrats, les empêchant de travailler pour un concurrent, même en période de hiatus. Alors si les séries sont en pleine explosion, ceux qui les écrivent sont en pleine dépression.

Quelles conséquences sur l'industrie ?

Plus de scénariste en coulisse, cela provoquerait une coupure de courant quasi-immédiate chez tous les Late Shows (les textes de Jimmy Fallon & co sont tous écrits, quotidiennement, par des auteurs de la Guilde), mais aussi dans les soap, comme Les Feux de l'amour, qui se tournent en flux tendu. Cependant, une grève courte n'aurait aucune conséquence sur la production des séries. En revanche, si elle se poursuivait jusqu'à fin juin ou plus, cela entraînerait alors des retards sur le planning de programmes pour la saison 2017-18.

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Selon Variety, les producteurs craignent surtout que le mouvement puisse s'étendre jusqu'en juillet ou en août. Les effets seraient, dans ce cas, dévastateurs pour les séries des Networks, qui seraient obligés de s'appuyer largement sur les programmes non-scriptés (les jeux et la télé-réalité en somme) à la rentrée. Cela signifierait un automne chamboulé dans le calendrier des séries, avec des lancements repoussés et des commandes d'épisodes moins importantes que prévues.

D'un point de vu médiatique, la grève risquerait aussi de semer le trouble dans la grande fête des "Upfronts", qui se tient chaque année au mois de mai. Pendant plusieurs semaines, les chaînes se relaient en effet pour présenter leurs nouvelles grilles et les nouveautés qu'elles ont commandé. Un moment important de la saison, pour faire monter le buzz, séduire les annonceurs et voir grimper le cours de l'action. Or, les événements pourraient être entravés, cette année, par des piquets de grève, et NBC, Fox, CBS, CW et ABC seront alors forcés d'évoquer le conflit au moment de leur présentation. Une catastrophe en terme d'image.

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Quelles séries seraient impactées ?

Hormis les productions des grandes chaînes généralistes (comme Grey's Anatomy ou NCIS), le site Entertainment Weekly a listé quelques séries majeures, qui seraient susceptibles de souffrir de la grève. A commencer par le drama n°1 de la télé US : The Walking Dead. Le tournage de la saison 8 doit débuter ce lundi... soit le dernier jour avant la grève ! Sans scénariste, la production sera obligée se mettre en stand-by. De même pour la saison 7 d'American Horror Story, qui n'a pas encore débuté son tournage, la saison 2 de Jessica Jones, qui vient juste de commencer ou encore Star Trek: Discovery, qui filme ses épisodes depuis quelques semaines.

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A l'inverse, quelques séries très attendues ne seront pas impactées du tout : Game of Thrones a déjà mis sa saison 7 dans la boite et ne repart pas tout de suite en tournage. La saison 3 de Twin Peaks est aussi déjà terminée. Orange is the New Black (saison 5), Orphan Black (saison 5), American Gods (saison 1), Outlander (saison 3), Preacher (saison 2) ou encore Stranger Things (saison 2) sont dans le même cas.

 Une sortie de crise possible ?

"J'ai l'impression que le contenu des discussions est devenu moins agressif au cours des derniers jours. Il est très difficile de dire comment cela va se terminer. Mais l'espoir, c'est que personne n'a vraiment envie d'aller jusqu'à la grève." Dan Stone, avocat pour la firme Greenberg Glusker, et qui participe aux négociations, se veut confiant dans Variety, même s'il concède que les demandes de la WGA sont conséquentes et coûteuses, pour les studios. 

Malgré tout, David M. Smith, professeur agrégé d'économie à la Pepperdine Graziadio School of Business and Management, explique dans Variety être optimiste sur une sortie de crise, avant la date fatidique du 2 mai : "Je pense qu'il y a de la place pour un accord. Les demandes de la WGA ne sont pas déraisonnables à la lumière des changements qui ont transformé l'industrie ces dernières années."