Mission : Impossible, protocole fantôme
Paramount

Le blockbuster de Brad Bird, sorti en 2011 au cinéma, revient ce soir à la télévision.

Mise à jour du 10 janvier 2019 : A l'origine, Mission Impossible était l'alibi de Tom Cruise, le véhicule qui lui permettait de régner à Hollywood. En 2011, MI 4 était sa planche de salut. A l'occasion de la diffusion du blockbuster de Brad Bird, ce soir sur France 3, retour sur ce projet qui a permis à la star de reconstruire sa carrière.
Par Gaël Golhen et François Grelet

Avec Mission Impossible 4, Brad Bird voulait "faire retrouver le plaisir d’une bonne séance de cinéma"

Article publié fin 2011, lors de la sortie du Protocole fantôme au cinéma : Il y a beaucoup de scènes géniales dans Mission : Impossible, le protocole fantôme. Mais l'une est particulièrement dingue : Tom Cruise tente d'échapper à un flic russe et se retrouve sur le parapet d'un hôpital, nu comme un ver. En bas, une benne à ordure lui tend les bras. Tom jauge les poubelles, va pour sauter et... s'arrête. « J'ai cru un instant que c'était une bonne idée » avoue-t-il au flic goguenard avant de rebrousser chemin. Façon de dire qu'il est définitivement trop vieux pour ces conneries. On ne vous racontera pas comment finit la scène, mais ce passage est symptomatique du Protocole fantôme. Contrairement aux autres épisodes, Cruise ne se contente pas d'escalader les murailles ou de sauter de bagnoles en marche avant le boum final : ce qu'il fait aussi exploser, c'est (un peu) son image de superstar hystéro, d'acteur mégalo. Histoire de mieux réaffirmer sa suprématie.

C'était nécessaire : depuis quelques années, Cruise n'a cessé de se manger le mur du box office en pleine tronche. Projet risqué (Walkyrie) ou blockbuster « méta » censé le faire revenir au panthéon des stars bankable (Night and Day), ses derniers films ont été des fours implacables. Au point de le faire passer pour le chat noir hollywoodien. En acceptant cette nouvelle mission, ce n'est pas le monde que Tom veut sauver. Mais sa peau. Rien de plus normal après tout, c'était le but affiché de la saga depuis le début. Souvenez-vous : en 95, le teenager rigolo de Risky Business se réveille avec son premier cheveu blanc, et l’âge du Christ sur sa carte d’identité. Enchaînant les cartons stratosphériques, il décide pourtant de regarder l’avenir droit dans les yeux et s’offre une franchise, un petit havre de paix insubmersible au cœur des collines d’Hollywood. Mission : Impossible sera désormais sa propriété, son nouveau terrain de jeu, son assurance tout risque. Tout sauf un caprice. Une décision de stratège redoutable. Asseyant son statut de star omnipotente (il inaugure au passage sa boite de prod’ avec son associé Paula Wagner), Cruise rafle la mise sur tous les tableaux (super film, super Tom, super carton - 457 millions de dollars dans le monde).

Alors, comme prévu, Tom en profite, se permet des trucs qu’il n’avait jamais osés jusque-là, part tourner deux ans avec Stanley Kubrick, joue au gourou exalté pour Paul Thomas Anderson, divise son salaire par trois pour Jerry Maguire, et lorsqu’il s’agit de reprendre le pouvoir à Hollywood: un coup de téléphone à John Woo, pour emballer Mission Impossible 2. Re-super carton (546 millions). La voie est libre pour aller s’encanailler chez Michael Mann (Collateral), tenter le rôle à Oscars (Le Dernier Samouraï) ou s’autoriser une parenthèse pop avec sa fiancée de l’époque (Vanilla Sky)... avant Mission Impossible 3. Vous avez compris la logique. S’offrir Mission Impossible, c’était s’offrir ça : le luxe du risque et des chemins de traverse. Mais c’était une autre époque. Celle où il ne sautait pas encore sur le canapé d’Oprah. Celle où son prosélytisme scientologue était en sourdine. Celle où les super stars faisaient la pluie et le beau temps à Hollywoodland.

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Depuis 2008 tout a changé et Tom Cruise doit reconstruire sa carrière. Pire : il doit surtout refaçonner son image. Son plan de secours ? Mission impossible, le protocole fantôme. Le film est lancé juste après le bide Walkyrie. A cette époque, il fallait relancer la franchise en vitesse, histoire d’effacer l’ardoise à grand coup de sourires en coin et de génie pyrotechnique. Mais la route fut beaucoup plus longue que prévue. Il a fallu :
1/ se réconcilier avec la Paramount et son patron Sumner Redstone, (qui avait refusé de renouveler le contrat de distribution avec sa société Cruise/Wagner en 2006, qualifiant publiquement l’attitude de la star d’« inacceptable »)
2/ accepter de revoir son salaire à la baisse (vu les bides consécutifs)
3/ partager l'affiche avec une autre star histoire de limiter les risques. Chris Pine et Tom Hardy furent pressentis, mais c’est finalement Jeremy Renner qui décrocha la timbale.

J.J. Abrams produit, Brad Bird réalise et au cœur du projet Tom Cruise saute du plus haut building du monde. Pourtant, quelque chose a changé. Et Mission : Impossible, Le Protocole Fantôme ne se contente plus d'enquiller les scènes d'action tonitruantes (ce qu'il fait superbement par ailleurs). Le film joue surtout avec le statut de la star, avec son icône. La dialectique du film elle-même - Ethan Hunt est lâché par tout le monde et doit disparaître pour mieux revenir - est une métaphore à peine déguisée de ce qu'a traversé Cruise ces dernières années, mais c’est surtout sa perf' qui étonne. Le Peter Pan d'Hollywood accepte de vieillir et apparaît usé, lessivé, défraîchi. Les rides de Tom éclatent en IMAX. Et s'il plonge dans le vide, désormais il hésite. Un peu. Et puis il y a ces longs close up amoureux du final qui tentent de réactiver, malgré les années, son arme de séduction massive. Que Cruise paye de sa personne à ce point dans la série censée mettre en scène son pouvoir inoxydable en dit long sur sa chute.Mais l'enjeu est de taille. Il s'agit pour Cruise de récupérer son trône laissé vacant. Dans les coulisses comme à l’écran, son Protocole Fantôme aura su multiplier les coups de théâtre effarants et les cascades sans filets. Pourtant, comme prévu quinze ans auparavant, la franchise Mission Impossible pourrait bien être celle qui saura redonner du lustre à son image de superstar. On le croyait essoré et illuminé. Le revoilà de retour au combat. Plus mâle, plus vieux, plus fort. Ce type-là est décidément increvable.