Richard Donner et Mel Gibson
Warner Bros

De La Malédiction à L’Arme Fatale en passant par Superman ou Les Goonies, Richard Donner incarna jusqu’au bout les fantastiques années 80. Retour sur une carrière faramineuse.

Il avait façonné la pop culture. Ou plutôt refaçonné, réinventé, remis au goût du jour le divertissement hollywoodien. On lui doit l'un des buddy movies et l'une des franchises les plus célèbres des années 80, l'acte de naissance du film de superhéros et un film d’horreur familial terrifiant. Autant dire que notre époque lui doit beaucoup. S'il n'a évidemment pas tout inventé, il porta chaque genre ou chaque composante industrielle à un niveau supérieur. Le père de Superman, de L’Arme Fatale, ou de La Malédiction s’est éteint lundi 5 juillet à l’âge de 91 ans. Et c’est donc une part essentielle du Hollywood 80s et du cinéma populaire qui disparaît avec cet homme. Véritable artisan de studio, également capable de s’affranchir de ses producteurs quand il le fallait, Richard Donner fut partie prenante de toutes les grandes révolutions de cette décennie. Et son cinéma allait marquer autant l’imaginaire que l’industrie.

Pourtant sa carrière commence bien avant. Dans les années 50. Après des études de théâtre à l'université de New York, il débute comme acteur dans des spectacles fauchés et joue des petits rôles à la télévision. Très vite, il abandonne pourtant les planches et cherche à réaliser. La rencontre avec Martin Ritt change sa vie : ce dernier le prend comme assistant et il enchaîne alors les pubs, les docus et les épisodes de série TV. C’est d’ailleurs sur le petit écran qu’il se fait d’abord un nom. Entre la fin des années 50 et le milieu des années 70, on le trouve au générique de Au Nom de la loi, La Quatrième Dimension, Les Mystères de l’Ouest ou Perry Mason… dès ses prémisses, son œuvre s’inscrit donc aux confins des genres et se nourrit de fantastique. Son premier film, X-15, sur la vie des pilotes d’avion-fusée, avec un jeune Charles Bronson, est un four. Il devra patienter plus de cinq ans pour avoir le droit à une deuxième chance. D’abord avec Sel, poivre et dynamite, buddy movie (déjà!) en noir et blanc avec Peter Lawford et Sammy Davis Jr et puis avec L’ange et le démon, en 70, un drama dans l’air du temps, Lolita londonien qui capturait l'esprit free de 69 côté britannique.

Mais sa véritable notoriété se fera sur un autre registre et elle n’arrivera qu’au mitan des 70s. A la suite du succès de L’Exorciste, les studios américains lancent une série de films d’horreur satanistes qui doivent rivaliser avec le chef-d’oeuvre de Friedkin. Aucun n’y parviendra évidemment, mais Richard Donner sauve l’honneur. En 1976, La Malediction s’écarte du réalisme de Friedkin pour privilégier un fantastique gothique inquiétant et sa direction d’acteurs impressionne (Gregory Peck est génial). Le succès sera au rendez-vous et donnera lieu à deux suites. C’est précisément en repensant à La Malediction que les Salkind, producteurs malins d’Hollywood, lui proposent le script de Superman. La suite appartient à l’histoire : la lutte pour imposer son casting, les déboires en salles de montage, le combat contre les Salkind, son remplacement par Richard Lester sur Superman II, et surtout l’incroyable succès planétaire du film… Richard Donner apparaît enfin comme un cinéaste majeur. Ce qu’il est de fait : il suffit de revoir certains plans de Superman pour redécouvrir sa maîtrise du cadre, sa somptueuse fluidité. Et sa grâce : il savait raconter un sentiment en un plan d'une naïveté fragile, toute une histoire en un plan-séquence (comme le montre la scène dans le journal).Mais comme s’il cherchait avant tout à affirmer son statut d’artisan, à ne surtout pas se laisser enfermer dans une case, Donner va prendre soin de changer de genre à chaque nouveau projet. Il y aura donc successivement une comédie dramatique (Rendez-vous chez Max), Le Joujou, remake du Jouet de Francis Veber avec Richard Pryor et Jackie Gleason, l’épique Ladyhawke, femme de la nuit, une histoire d’amour fantastico-médiévale que la merveilleuse photo de Vittorio Storaro achevait de transformer en mythe ténébreux, ou encore la comédie amblinesque Les Goonies devenue avec le temps un étendard nostalgique, un doudou cellulo. 


 

En 1986, Donner revenait au genre policier qui l'avait rendu célèbre à la télé. L’Arme Fatale était propulsé par un script de Shane Black et inspiré par le flair de son producteur Joel Silver. Le film est une authentique réussite. Si ses deux complices furent deux maîtres de l’action 80s, Donner n’est en rien étranger au succès du film. Les courses poursuites dans L.A, la folie pulp et contagieuse de Gibson, la mise en scène parano lui appartiennent et font de ce buddy movie un vrai classique du genre. Abrasif, macho, on découvrait avec ce thriller l’alpha et l’oméga du blockbuster moderne, pile poil dans son époque. Le succès aidant, il y aura trois suites (toutes moins bonnes)… D'ailleurs, après L’Arme Fatale, Donner ne retrouvera jamais ce niveau. Le western Maverick, Assassins ou encore Complots ne renoueraient jamais avec ses succès 80s.

C’est cette décennie qu’il sut incarner parfaitement. Il en inventa (en partie du moins) certains codes esthétiques ou narratifs, et incarna jusqu’au bout des ongles le Hollywood décomplexé et audacieux qui nous obsède encore aujourd'hui.

Richard Donner, le réalisateur du premier Superman, critique les films de super-héros actuels