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La rumeur courait depuis quelques temps, mais c’est désormais officiel : Steven Spielberg sera bel et bien le président du jury du 66e Festival de Cannes, du 15 au 26 mai prochain, un rôle récemment tenu par Nanni Moretti, Robert de Niro, Tim Burton ou Wong Kar-Wai.  Une belle revanche pour le cinéaste qui vient de se prendre une sévère déculottée aux Oscars : nommé 12 fois, son sublime Lincoln est reparti avec 2 Oscars mais Ang Lee (pour le meilleur réalisateur) et Argo (pour le meilleur film) lui ont été préféré dans les catégories reines. Gilles Jacob laissait d’ailleurs entendre que le festival avait repoussé l’annonce de sa présidence pour ne pas influer les résultats des Oscars. Mais Cannes est au fond plus important pour Spielby que tous les Oscars du monde…Né en 1946, Spielberg a réalisé 27 films qui ont souvent changé la face du cinéma mondial : de Duel en 1971 aux Dents de la Mer, des Aventuriers de l’arche perdue à A.I, de La couleur pourpre à Lincoln, il a su inventer le blockbuster US, redéfinir le classicisme hollywoodien et explorer les limites du medium avec une affolante maîtrise des outils cinéma. Les organisateurs du festival vantaient ce matin l’"incessant va-et-vient entre le rêve et la réalité (…) Cette imagination foisonnante, qui (le) caractérise et lui fait dire qu’il "rêve pour gagner sa vie", s’associe à une curiosité sans limite, un goût de l’innovation, et une maîtrise virtuose de la mise en scène".Pas faux : c’est précisément ce qui en fait un être à part. Une sorte de phénomène générationnel absolu. Adulé par le grand public (celui du samedi soir et des Champs-Elysées) qui voit en lui le David Copperfield du cinéma ; vénéré par des millions de wannabee cinéastes trentenaires, gavés d’Indiana Jones et de E.T dès le plus jeune âge et qui le considèrent comme le messie, Spielberg, au fond, fut le premier des grands cinéastes américains formé dans les salles de cinéma. Avant Tarantino. Mais cette nomination à la tête du jury du festival de Cannes est symboliquement capitale : il s’agit de sa dernière consécration. De son vrai triomphe. Chantre du divertissement chimiquement pur du cinéma pop corn en gros - il fut longtemps méprisé par les intellos. Le vent tourne depuis quelques années : depuis A.I. la critique voit enfin en lui un cinéaste total et certains se souviennent désormais qu’il offrait un beau rôle à François Truffaut dans Rencontres du troisième type. Qu’il aidait Kurosawa à trouver le financement d'un de ses derniers films, Dreams ou qu'il a tourné A.I. Intelligence artificielle en intelligence avec Kubrick qui lui avait confié ce film avant de mourir. Conséquence : après sa muséification en 2011 (une rétrospective à la cinémathèque), le voilà donc à la tête du jury du plus grand festival de cinéma. Un festival qu’il connaît bien puisque il y a présenté quelques classiques (E.T. en avant-première mondiale) et est même reparti avec le prix du scénario pour Sugarland Express en 74.Du coup, aujourd’hui, la question se pose : quel genre de président sera Spielberg ? Impossible d’en préjuger, même si l’on sait qu’il aime travailler en groupe comme le prouve ses fidèles collaborateurs ainsi que ses duos de cinéma (avec George Lucas sur Indiana Jones ou avec Peter Jackson). Sa présidence devrait être moins conflictuelle que la présidence d’Huppert. Côté cinéma, ses goûts sont d’un éclectisme stupéfiant et il est cité comme influences par des cinéastes aussi différents que James Gray, Apichatpong Weerasethakul ou Juan Antonio Bayona… Du coup, pour l’instant, on se contentera de sa déclaration d’intention : "Mon admiration pour la façon inébranlable dont le Festival de Cannes défend le cinéma international est totale. Car Cannes est le plus prestigieux de tous les festivals, ce qui lui permet de continuer à affirmer que le cinéma est un art qui transcende les cultures et les générations". C’est ce que confiait Spielberg dans le communiqué officiel rendu publique par le festival ce matin.