Ryan Gosling : au nom du père
StudioCanal

How to Catch a Monster : c’était le working title de Lost River, et il le portait bien. Foutraque mais bourré de visions sublimes, le premier film réalisé par Ryan Gosling est un conte, un conte gothique souvent cauchemardesque, mais un conte dans sa structure, son thème, ses fantasmes. Une histoire sortie de l’imaginaire d’un enfant (c’est le motif du sublime générique) que l’acteur choisit de raconter pour son premier passage derrière la caméra. Dans cet OVNI on voit surtout l’influence de Lynch, de Del Toro, de Jodorowsky ou de Cassavetes, et le film peut aussi être perçu comme un montage de tout le cinéma qui l’habite, un album où l’acteur devenu réalisateur aurait collé la photo de tous ses « papas » de cinéma. Au fond, l’enfance, la paternité et la transmission infusent l’ensemble de sa filmo et de sa discographie. Son très bel album Dead Man’s Bones est une variation sur le thème de son premier film – des histoires de monstres et de fantômes –, et sa singularité est d’avoir été enregistré en collaboration avec… un chœur d’enfants. Ryan Gosling, ex-enfant star, ne s’est pas défait de l’enfance donc, et il ne nous parlait pas d’autre chose quand nous l’avons rencontré pour évoquer Lost River à Cannes. De là à en faire un homme-enfant…

15 (vrais) Ryan Gosling facts

Un des aspects les plus forts de son premier film est la relation de la mère (Christina Hendricks) à ses fils, explorée des deux points de vue avec la même intelligence. La mère, célibataire, lutte pour assurer la survie de ses enfants, ceux-ci en retour combattent des démons (symboliques) pour protéger leur mère. La finesse de l’écriture du lien maternel et filial prouve que Gosling, qui n’avait pas encore de rejeton, avait un tout petit peu réfléchi à la question.Et sa filmo a dû lui en a donné le loisir. Grand frère symbolique dans Half Nelson, père de substitution dans Drive, père fantomatique dans The Place Beyond the Pines, père face au naufrage de son couple dans Blue Valentine : les rôles importants de sa filmographie semblent tous se définir essentiellement dans ce rapport à l’enfance et la paternité. Le prof camé à l’influence néanmoins bénéfique sur une élève n’était qu’un échauffement. Dans Drive, c’est sa relation à l’enfant qui lui garantit l’amour de la mère (et celui du public), d’abord père de substitution puis défenseur du père biologique – c’est pour sauver ce père aux yeux de son enfant qu’il s’embarque dans l’histoire qui cause sa perte. Outre les performances de Gosling et Michelle Williams, le naufrage amoureux filmé par Dereck Cianfrance dans Blue Valentine tire aussi sa force tragique de la présence de l’enfant, dernier lien qui unit le couple et centrale dans les premières et dernières images du film. Si elle est peu présente à l’écran, c’est au nom de sa fille que l’homme tente de retenir sa femme, dans un dernier acte désespéré. Toile de fond de Blue Valentine, la paternité est au cœur de The Place Beyond the Pines, la deuxième collaboration Cianfrance/Gosling. Ici, le Goz tente de rentrer dans la vie de son enfant, si mal qu’il en est définitivement exclu par la mère ; pour n’être plus qu’un fantôme qui hante son fils devenu grand. Entre temps, il y aura eu de très brefs instants d’harmonie, comme une préfiguration de la vraie vie : dans Pines, c’est Eva Mendes qui donne la réplique à Ryan Gosling.  
Vanina Arrighi de Casanova

The Place Beyond the Pines laisse une impression puissante [critique]