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Roxane est plus qu’un joli film sur la ruralité en crise : c’est une jolie fable feel good sur le pouvoir des mots.

Pour patienter jusqu'à la soirée spéciale "campagne bretonne" concoctée par France 3, voici notre critique de Roxane, de Mélanie Auffret. Ce film sorti en juin 2019 avait bien plu à Première. Il sera suivi par Bécassine !, de Bruno Podalydès, à 22h35.

 

Il y a plus d’un siècle et demi, le journaliste Francisque Sarcey écrivait dans son journal que « les paysans bretons sont si ignorants qu’ils croient à l’influence de la Lune sur les marées ». Aujourd’hui, il rajouterait qu’ils sont tellement bêtes qu’ils pensent que la littérature peut changer le monde. C’est ce que raconte le joli film Roxane. On y suit l’histoire de Raymond, un agriculteur avec un drôle de secret : l’amour des mots lui est tombé dessus par hasard. Sans éducation ni bagage, ce paysan a cultivé cette passion, n’avouant ce penchant qu’à... ses poules. Tous les matins, il leur lit Cyrano de Bergerac. Mais lorsque son exploitation est menacée, Raymond décide de faire son coming out littéraire en réalisant des vidéos YouTube pour faire le buzz et, qui sait, sauver sa ferme.

HISTOIRE D’AMOURS
Roxane se présente d’abord comme une fine observation du monde rural breton. Les rituels quotidiens, les personnages au caractère de granit et les liens sociaux très forts : tout sonne juste. La cinéaste fait le portrait d’une communauté en crise, soulignant les difficultés du monde paysan d’aujourd’hui, et rappelant que face à la violence (économique), seul le collectif s’avère payant. Mais derrière cette version bretonne des Travaux et les jours se cache une belle histoire d’amours. Au pluriel parce qu’il y a d’abord la relation entre Raymond, rêveur naïf, et sa femme, plus terre à terre, confrontée par son métier de banquière à la réalité comptable du monde. Ce couple est mis à rude épreuve jusqu’à la résolution finale dans une scène subtile, qui retrouve l’esprit screwball des 50s (science du geste et du rythme, finesse de l’écriture, sentimentalité fragile). Mais il y a aussi l’amour de Raymond pour les mots. De Tonquédec compose un personnage taiseux, qui refuse le dialogue et finit par exprimer ses sentiments à travers les grands textes classiques. Naïf ? Et alors ? Le film rappelle la pertinence et la puissance des grands auteurs qui traduisent nos émotions, nous aident à vivre et nous permettent même d’acquérir un peu de décence. C’est la beauté de Roxane : le portrait d’un Pierrot lunaire qui parvient à se reconnecter au monde et à lutter contre les salauds, non pas grâce à YouTube et Facebook, mais grâce à Molière, Rostand et Guitry.

Roxane, en salles le 12 juin 2019.


Roxane - Guillaume De Tonquédec : "Quand on joue face à une poule, on a intérêt à être bon"