Martin Scorsese et Bertrand Tavernier
Instagram Martin Scorsese

"Bertrand était un cinéaste singulier, à nul autre comparable. J’ai particulièrement aimé son film de 1984, Un dimanche à la campagne..."

Quelques jours après la mort du réalisateur français Bertrand Tavernier, son collègue et ami d'Amérique, Martin Scorsese, a tenu à lui rendre un hommage appuyé. Pas un simple Tweet pour saluer son oeuvre, mais une longue lettre posthume, en réponse à Thierry Frémaux, qui lui avait annoncé la triste nouvelle quelques heures plus tôt. "Il m’a dit être profondément touché (...) et nous a envoyé ce texte (...) Les deux cinéastes étaient amis de longue date, ils avaient le même amour pour le cinéma classique, ils continuaient à échanger des DVD et des films. Depuis toujours, leur dialogue était permanent", commente le délégué général du Festival de Cannes et le directeur de l’Institut Lumière de Lyon, en partageant le message en question.

Une longue lettre que Martin Scorsese a mis en ligne à son tour sur son compte Instagram et qui raconte ainsi : 

"La première fois que j’ai rencontré Bertrand Tavernier, c’était au début des années 1970. Avec son ancien collaborateur Pierre Rissient. Ils avaient vu Mean Streets et le défendaient avec vigueur (...) J’ai très vite compris que Bertrand connaissait de fond en comble l’histoire du cinéma. Plus encore, il était un passionné du cinéma : passionné par ce qu’il aimait, passionné par ce qu’il détestait, passionné par ses nouvelles découvertes, passionné par les figures injustement oubliées dans l’histoire du cinéma, passionné par les films qu’il a lui-même réalisés. Bertrand était un cinéaste singulier, à nul autre comparable. J’ai particulièrement aimé son film de 1984, Un dimanche à la campagne. Ce film a été conçu avec tant de subtilité que j’ai l’impression qu’il est sorti tout droit du monde des impressionnistes. J’ai également adoré ses films historiques, comme Que la fête commence… et Capitaine Conan, et ses adaptations de Simenon (L’Horloger de Saint-Paul, son premier film) et de Jim Thompson (Coup de torchon, adapté de 1275 âmes)."

Dans ce message, Martin Scorsese se souvient aussi d'un déjeuner de 1983, "avec Bertrand et Irwin Winkler quand ils ont décidé, tous les deux, de faire le magnifique Autour de minuit. C’est pour moi un merveilleux souvenir d’avoir fait une petite apparition dans ce film (...) Bertrand connaissait intimement tous les aspects du cinéma français. C’est une chance incroyable pour nous tous que Bertrand ait partagé son savoir et sa passion dans son documentaire Voyage à travers le cinéma français, une œuvre d’une grande beauté. Il connaissait tout aussi intimement le cinéma américain (...) Aujourd’hui, il m’est très difficile de me dire que je n’aurai plus jamais la chance de recevoir toute cette incroyable énergie. Que je n’aurai plus jamais la chance de rencontrer un homme aussi extraordinaire, un homme tellement irremplaçable."