Gaspard Ulliel
Mandarin / EuropaCorp / Fit Production / Young Hannibal Productions

De Saint Laurent à Hannibal Lecter en passant par le huis-clos de Xavier Dolan ou le film de guerre de Jean-Pierre Jeunet.

Jean Delgas, dans Les Egarés (Andre Téchiné, 2003)

Un second rôle dans le hit de Michel Blanc, Embrassez qui vous voudrez, avait déjà alerté le public sur le charisme de Gaspard Ulliel. A même pas 20 ans, l’acteur confirmait l’année suivante dans Les Egarés de Téchiné, en ado sauvage aux cheveux ras qui croisait la route d’Emmanuelle Béart durant l’exode, en juin 40. Sa beauté tour à tour solaire et inquiétante, cette incroyable fossette qui pouvait transformer en une fraction de seconde ses sourires en menaces, l’intronisaient en dandy troublant du jeune cinéma français : un néo-Terence Stamp.

LES EGARES (2002)
FIT PRODUCTION

Manech, dans Un Long Dimanche de Fiançailles (Jean-Pierre Jeunet, 2004)

Trois fois. Trois années d'affilée, Gaspard Ulliel a été nommé pour le prix du Meilleur espoir masculin. Après avoir été révélé par Michel Blanc et après avoir brillé devant la caméra d'André Téchiné, le jeune comédien de 20 ans est déjà un espoir bien confirmé lorsqu'il remporte enfin le trophée pour Un long dimanche de fiançailles. Dans la peau du "Bleuet", gamin envoyé dans les tranchées alors qu'il voulait juste épouser Mathilde (Audrey Tautou), Ulliel incarné un soldat qui n'a rien d'un héros. Manech n'a pas envie de se battre et le voilà condamné à mort pour s’être auto-mutilé afin d'être réformé... Une adaptation réussie du roman de Sébastien Japrisot, qui doit beaucoup à la performance romanesque de l'acteur.

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Un long dimanche de fiançailles
Warner Bros

Hannibal, dans Hannibal Lecter : Les Origines du mal (Peter Webber, 2007)

Descendu par la critique, ce prequel sur la jeunesse du célèbre cannibale est pourtant un point marquant de la filmo de Gaspard Ulliel. Parce qu’il est parfait dans le rôle (pour lequel Hayden Christensen, Macaulay Culkin ou Hugh Dancy ont été testés), et qu’il constitue une énorme what if dans la carrière de l’acteur français. Très à l’aise dans la langue de Shakespeare, Ulliel avait le potentiel pour s’imposer à Hollywood. Mais il reviendra vite au cinéma français après cette expérience, refusant même plusieurs projets à Gus Van Sant qui l’avait dirigé dans son segment de Paris, je t’aime (2006), dont un portant sur… Yves Saint Laurent (!). "Je ne comprends pas pourquoi j’ai décliné ces propositions", déclare-t-il au Monde en 2016. "J’aurais adoré faire un long-métrage avec lui." Dans les années 2010, les publicités Chanel lui permettront de jouer pour Martin Scorsese, James Gray et Steve McQueen. Et il avait tout récemment tourné dans la série Marvel Moon Knight, qui sera lancée en mars, aux côtés d’Oscar Isaac et Ethan Hawke. Dans un monde parallèle, il remporte peut-être un Oscar du meilleur acteur… 

PRODUCTION / UNIVERSAL PICTURES

Henri de Guise, dans La Princesse de Montpensier (de Bertrand Tavernier, 2010)

Dit le « balafré », Henri de Guise arborait sa belle cicatrice comme une fossette qui se serait égarée sur sa joue, ajoutant un charme supplémentaire à ce visage gracieux. Ulliel est donc De Guise. L’homme n’était pas un saint et à l’heure où Bertrand Tavernier par le truchement de la Princesse de La Fayette, nous le présente tout de noir vêtu, il aura bientôt le sang de la Saint Barthélémy sur les mains. Pour l’heure, c’est un bel homme, sûr de lui, qui rêve d’épouser une Princesse (Mélanie Thierry) promise à un autre (Grégoire Leprince-Ringuet). Ulliel joue avec malice et autorité de ses charmes. Tavernier amoureux de westerns voulaient des bons cavaliers évoluant dans des décors cabossés. Ulliel teint les rênes sans sourciller, manie l’épée comme Jean Marais mais, cheveux au vent, a l’étoffe d’un Gérard Philipe. « Délivrez-vous, oubliez monsieur de Guise... » lâche le Comte de Chabannes (Lambert Wilson) à la princesse qui feint d’essayer. Oublier ce visage. Impossible forcément. Le film d’époque allait bien à Gaspard Ulliel. Le verbe haut et châtié de de la Fayette, tout comme ses manières aristocratiques, faisaient de lui, un vrai prince.

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La Princesse de Montpensier
StudioCanal

Yves Saint-Laurent, dans Saint Laurent (Bertrand Bonello, 2014)

Le film de la grande bascule. Celui qui redonnait un sens et une aura de mystère à une carrière qui, de l’aveu même de l’intéressé, commençait à tourner en rond. Concurrent arty du Yves Saint Laurent de Jalil Lespert avec Pierre Niney, ce Saint Laurent-là était un requiem, une grande interrogation psychédélique sur l’art et le processus créatif. Dans un rôle partagé avec l’icône délabrée Helmut Berger (qui incarnait le couturier au seuil de la mort, reclus dans son appartement-mausolée), Gaspard Ulliel apportait au film de Bonello ses manières de prince, son élégance « intellectuelle et morale » (que salue aujourd’hui le cinéaste dans Libé), cette beauté si fragile, visage de vampire triste qui menaçait de se fissurer à chaque instant. Une anti-performance, dans un anti-biopic – "le Saint Laurent que nous vous montrons n’est certainement pas le vrai Saint Laurent", disait l’acteur. Sur un air du Velvet Underground (« I could sleep for a thousand years »), une incarnation au parfum d’éternité.

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Mandarin Cinéma / EuropaCorp / Orange Studio / Arte France Cinéma / Scope Pictures / Carole Béthuel

Louis, dans Juste la fin du monde (Xavier Dolan, 2016)

Il lui avait fallu trois essais avant de remporter le César du Meilleur espoir. Deux suffiront pour celui du Meilleur acteur ! Deux ans après avoir loupé le trophée avec sa performance dans Saint Laurent, il est enfin sacré par ses pairs pour son incarnation bouleversante d'un gamin qui vient annoncer sa mort prochaine à sa famille. Au milieu des ces énormes charismes de cinéma (Nathalie Baye, Vincent Cassel, Léa Seydoux, Marion Cotillard), il fallait toute la sensibilité discrète et insondable d'un Gaspard Ulliel pour réussir à exister. Un huis-clos théâtrale à fleur de peau, où l'acteur fait le lien avec une aisance déconcertante, scène après scène, émotion après émotion.

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Juste la fin du monde
MK2 Films

Robert Tassen dans Les Confins du monde (de Guillaume Nicloux, 2018)

La jungle, la peau moite, et l’apocalypse qui gronde. La guerre d’Indochine. 1945. Conflit oublié, dans l’angle mort de notre cinéma national. Guillaume Nicloux ressuscitait l’horreur et pariait tout autant sur le magnétisme d’un décor qu’on dit charnel et celui de son interprète principal. Gaspard Ulliel, soldat blessé, sacrifié, en mode "survival". Et face à un Gérard Depardieu qui lui parlait « d’ennemi intérieur », Ulliel sans jamais détourner le regard, le rembarrait avec autorité. Du Brando-Sheen en mode frenchie. Foin d’ironie, la séquence imprimait une puissance de feu. Pour mesurer la force d’un acteur, on peut se contenter de le regarder bouger. Ulliel était ici un animal. On suivait sa lente progression vers la folie, vers la fin d’un monde. On s’engouffrait avec lui.

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Les Confins du monde
Ad Vitam