Bill Hader
Hosain Munawar/Startraks/ABACA

Le Saturday Night Live, Barry, South Park... L'acteur revient sur sa carrière.

Il a multiplié les seconds rôles dans quelques-unes des meilleures comédies années 2000, tout en faisant crever de rire les États-Unis chaque semaine au Saturday Night Live. Plus discret médiatiquement ces dernières années, Bill Hader revenait sur le devant de la scène en 2018 avec son excellente série Barry, l’histoire d’un tueur à gages fan de théâtre. Cette semaine, il est à l’affiche de Ça - Chapitre 2, la suite tant attendue de l'adaptation du roman de Stephen King. Rencontre.

J’ai lu que vous avez commencé dans le milieu du cinéma comme assistant de production, après avoir vu une annonce dans le Hollywood Reporter.
C’est à peu près ça. En tout cas j’essayais de trouver du boulot et je galérais vu que c’est un métier de réseau. Mais j’ai réussi à faire mon trou petit à petit et grâce à des amis d’amis, je me suis retrouvé sur des tournages de films à petit budget. En fait, j'apportais surtout le café (Rires.) Et puis j'ai fait un autre film, puis un autre... Finalement, j’ai bossé sur de grosses productions comme le Spider-Man de Sam Raimi, Dommage CollatéralLe Roi Scorpion

Une mauvaise expérience, Le Roi Scorpion...
Ouais, je me suis endormi au volant de ma voiture et j’ai eu un accident. J'étais totalement lessivé. Je faisais des horaires dingues, on tournait dans le désert à plusieurs heures de chez moi... J'étais épuisé. C’est là que j’ai réalisé que je devais arrêter. Je suis parti et j'ai tenté ma chance dans la post-production. Ça n’a pas vraiment été concluant alors j'ai pris des cours d’improvisation, ce qui m’attirait depuis un moment. Et après quelques rencontres et pas mal de chance, ça a fini par me mener au Saturday Night Live.

J’ai cru comprendre que ces années SNL ont été épuisantes pour vous.
C’est là que j'ai commencé à faire des crises d’angoisse. J'avais une trouille monstre de monter sur scène… Mais ça m'a beaucoup appris sur le métier de producteur et sur la façon dont il faut jouer quand on est en direct à la télévision. C’est très différent de faire l'acteur dans un film ou une série. Quand je repense à cette époque, je me souviens avec tendresse des gens que je côtoyais. Mais c’était extrêmement stressant. Une pression folle.


Avant le SNL, vous ne saviez pas que vous étiez drôle ?
Je savais que j'étais drôle, mais je ne savais pas que j'étais un acteur drôle. Ou que les gens m'accepteraient en tant que tel. Faire le SNL, c'est comme de passer du CE1 à Harvard !

Et ça faisait trop d'un coup ?
Disons que ça vous submerge. Sur le long terme, ça c'est bien passé bien pour moi, mais il a fallu que j'apprenne à me relaxer, à échouer et à comprendre pourquoi tel sketch n’avait pas marché… Ça peut sembler évident, mais j’en avais besoin. J’en ai tiré des enseignements qui me suivent encore aujourd’hui. Par exemple, je ne lis pratiquement plus de critiques sur mes performances, on me fait des résumés. À l’époque du SNL, si je tombais sur un texte un peu dur sur un de mes personnages, je disais aux autres auteurs : « Je ne sais pas si je devrais faire ça, parce que le gars du Huffington Post a dit qu'on devrait faire autrement ». Et on me répondait : « Mais on s'en branle ! » « Je sais, je sais. Mais… » Ça finit par vous obséder, impossible d’arrêter d’y penser !

C'est à cette époque que vous rencontrez Judd Apatow ?
À peu près, oui.

Vous sentiez qu’il avait quelque chose de spécial ?
J'ai toujours été fan de lui depuis Freaks and Geeks. On traînait ensemble et il me proposait des petits rôles comme dans En cloque, mode d'emploi ou SuperGrave. Mais la plupart du temps, j'étais surtout le mec qui gravitait autour. Encore une fois, j’essayais d’apprendre. J'ai écrit quelques films pour Judd mais ça n'a jamais vraiment fonctionné. On avait des sensibilités différentes. Par contre j'adorais faire l’acteur chez lui, et c'est comme ça que je me suis retrouvé dans Crazy Amy. D'ailleurs ce film m'a beaucoup aidé dans ma carrière parce que je changeais de registre et que je tenais enfin l’un des rôles principaux.

À part pour Crazy Amy, je vous ai toujours vu comme celui que la famille Apatow a laissé de côté... 
Hum, expliquez-moi ça.

On vous a condamné aux seconds rôles. J’ai l’impression que vous auriez pu aller plus haut, plus vite, mais qu’on ne vous en a pas donné l’opportunité. 
Je vois ce que vous voulez dire, mais je ne pense pas que ça soit lié à Judd Apatow. C'est comme ça à Hollywood : on vous met vite dans une case et bientôt on vous propose toujours les mêmes rôles. Quand j’ai commencé à percer, je ne recevais que des propositions de comédies farfelues. Et après SuperGrave, je ne compte plus les rôles de flic fou ou de patron timbré. Maintenant, avec Barry, tout le monde veut que je joue un tueur rigolo. Bon… J'ai vite compris que ça allait arriver, alors j'ai décidé de bosser sur South Park pour apprendre à écrire et développer mes propres scénarios. J'ai senti que c'est ce qui allait me sauver.

Qu’est-ce que vous faisiez concrètement sur South Park ?
En gros, je me posais dans la salle d’écriture et Matt Stone et Trey Parker faisaient tout (Rires.) Je les regardais s’agiter dans tous les sens et je pitchais des idées et des blagues de temps en temps. J’étais payé pour apprendre comment ils structuraient les choses, pourquoi cette vanne était là et pas deux minutes après. C'était une expérience super enrichissante et je ne savais pas que ça allait me donner assez d'outils et de confiance en moi pour finalement écrire ma propre série. 

Vous avez été surpris par le succès de Barry ?
Carrément, je ne pensais pas que les gens allaient adhérer. Je croyais que ce serait une série de niche, rien de plus. Mais ça a bien mieux marché que prévu.

Et les Emmy Awards (NDLR : il a reçu le prix du meilleur acteur dans une série comique en 2018, et Barry est de nouveau nommée dans plusieurs catégories cette année) ?
C'est chouette. Ça fait plaisir, évidemment. Mais dans ce métier les gens se font souvent piéger par le besoin de reconnaissance. Moi, je suis obsédé par les bonnes histoires depuis Barry. J'ai compris que je n’ai aucun contrôle sur le reste.


Le succès ne semble effectivement pas être votre moteur principal.
Non, presque à mon détriment (Rires.) Je gagnerais sûrement plus d’argent si c’était le cas. Je crois que c'est parce que je suis un vrai fan de cinéma, je suis viscéralement enthousiasmé à l'idée de faire un film ou une série, même si ça ne fait pas avancer ma carrière. Pour Barry, le moment dont je suis le plus fier n’est pas l’Emmy Award. C’est quand on a projeté la série pour la première fois et que mon père m'a dit : « C'est ce que tu voulais faire depuis tes dix ans ! Tu as réussi ! » Il m'a vu grandir en étant obsédé par les films des années 70, que je regardais en boucle dans ma chambre.

Quand êtes-vous tombé amoureux du cinéma ?
Très jeune. Je me souviens de ma mère regardant Quasimodo avec Charles Laughton, terriblement émue par la scène de l'exécution. Elle a commencé à pleurer… J’étais très, très jeune, et j’ai compris le pouvoir que le cinéma peut avoir sur les gens. J'ai grandi à l'époque de Star Wars et d’Indiana Jones, mais j'étais plus Taxi Driver ou Orange mécanique. Je voyais beaucoup de vieux films et mes parents ne faisaient pas trop gaffe à ce que je regardais. Ça ne m'a pas rendu barjo, au contraire. Mais je ne pouvais partager ça avec personne : à l'école les autres gamins ne pigeaient rien à mes obsessions (Rires.)

Ça - Chapitre 2 pourrait vous permettre d’exploser à l’international. La presse chante vos louanges. Comment vous êtes-vous retrouvé au casting ?
Exploser ? Je ne sais pas… En tout cas je l'ai fait parce que j'aime beaucoup Andy Muschietti, le réalisateur, et que j'avais adoré le premier film. Richie représente un peu le public, il doit dire ce que les gens dans la salle sont en train de penser : « Euh, on ne devrait pas aller dans ce tunnel sombre. C'est débile, pourquoi on ferait ça ? » (Rires.) C'est assez jouissif d’incarner un personnage qui pointe la folie de ce qui est en train de se passer. Je suis un grand consommateur de films d’horreur, mais je n’avais jamais tenté l’expérience de jouer dedans. Mes acteurs préférés sont ceux qui arrivent à naviguer entre les genres, à tourner dans une comédie romantique, avant d’enchaîner sur un drame, un film d’horreur et un truc complètement loufoque. Dans quelques années, je veux pouvoir regarder dans le rétro et me dire que j'ai joué plein de rôles tout à fait différents.

Ça - Chapitre 2, au cinéma le 11 septembre.