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Une figure de la Nouvelle Vague s’en est allée.

Il est décédé mardi soir, près de Bayonne, à l’âge de 92 ans. Emporté par une longe maladie, Raoul Coutard était le chef-opérateur mythique de Jean-Luc Godard, François Truffaut, Pierre Schoendorffer ou encore Costa-Gavras. Avec Coutard, c’est une partie de la Nouvelle Vague qui disparaît. Photographe-reporter pour Paris Match et Life en début de carrière – il couvre les conflits et notamment l’Indochine – Coutard s’est ensuite rapidement tourné vers le cinéma avec Pierre Schoendorffer qu’il rencontrera en Asie. Il garda de ses années de guerre le sens de l’impro, de l’urgence et son incroyable flair de l’innovation technique – on connaît l’histoire des travellings en fauteuil roulant ou la scène des Champs-Elysées de À Bout de souffle filmé en triporteur…

Raoul Coutard en 10 plans iconiques

Nouvelle esthétique

Au fond, si la Nouvelle Vague fut une révolution, ce fut celle de la lumière naturelle et de la délivrance technique, l’idée que la caméra pouvait quitter les décors feutrés du cinéma de papa pour s’immerger dans le quotidien, la rue, le réel. L’idée qu’il fallait capter cette lumière et surtout se débarrasser des machineries encombrantes au profit de caméras plus légères. Et ça, ce fut précisément le travail de Coutard, qui modifia les conditions de tournage et inaugura une nouvelle esthétique. Opérateur sur La Passe du Diable (1958) et Ramuntcho (1959), il participe donc à lancer la Nouvelle Vague avec Godard grâce à À bout de souffle (Godard cherchait à filmer son personnage de près, comme dans un reportage, d’où le casting de Coutard), imposant son noir et blanc phénoménal qui en fera  la référence ultime pour les plus grands cinéastes (Scorsese, Wenders, Spielberg le citaient constamment en exemple…). En tout, il aura tourné quatorze films avec JLG, dont Le Mépris, Pierrot le Fou, La Chinoise et Le Petit Soldat. Raoul Coutard a aussi travaillé sur Jules et Jim et Tirez sur le pianiste de Truffaut, Lola de Jacques Demy, Le Crabe-Tambour de Schoendorffer ou L’Aveu et Z de Costa-Gavras. Aventurier, artiste, magicien de la pellicule, il aura vécu le XXe siècle des montagnes de l’Indukush aux bureaux des producteurs ; des Champs-Elysées aux tempêtes de l’Atlantique Nord… 


Également réalisateur, Coutard était derrière la caméra pour Hoa-Binh (1970), film sur la Guerre d'Indochine, La Légion saute sur Kolwezi (1980) et SAS à San Salvador (1983). Son dernier travail de directeur de la photographie remonte à 2001, avec Sauvage Innocence de Philippe Garrel. On lui laissera le mot de la fin. Dans son formidable livre de mémoires (L’Impériale de Van Su, un trésor pour les cinéphiles et pour les amoureux d’aventures), Coutard finissait son introduction sur ces mots : "Comment le suis-je devenu (NDLR : opérateur) ? C’est très simple il y a un demi-siècle à Saigon, je suis allé avec Pierre Schoendoerffer déguster l’impériale de Van Su, une extraordinaire soupe chinoise. Plus tard, Pierre m’a fait rencontrer George de Beauregard qui à son tour m’a présenté Jean-Luc Godard".

On espère que là où il se trouve, la soupe est bonne…