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Todd Haynes adapte un roman de Brian « Hugo Cabret » Selznick pour mieux réconcilier ses veines classique et arty. Une réussite. 

Todd Haynes a changé. Il n’est plus le cinéaste déconstructiviste et postmoderne de Velvet Goldmine, Loin du Paradis et I’m not there, celui qui réfléchissait aux mythes de son panthéon perso (David Bowie, Douglas Sirk, Bob Dylan) à coup de films mutants, quelque part entre l’installation muséale, l’ironie warholienne et la thèse de troisième cycle. La transformation a eu lieu avec Mildred Pierce (sa mini-série HBO avec Kate Winslet) puis Carol (love story entre Cate Blanchett et Rooney Mara) : en vieillissant, Haynes donne l’impression de vouloir sortir de sa bulle, se confronter à la question du classicisme, et donner ainsi à son œuvre une résonnance plus grande, une portée plus universelle. Cette envie de s’ouvrir au monde guide Le Musée des Merveilles, adaptation d’un livre de Brian Selznick (qui avait déjà inspiré Hugo Cabret à Scorsese), le premier Todd Haynes « pour toute la famille », récit des errances new-yorkaises parallèles de deux enfants tristes : l’une dans les années 20 (une fillette sourde-muette qui cherche désespérément à attirer l’attention de sa mère, grande star du muet), l’autre dans les années 70 (un orphelin s’ingéniant à résoudre l’énigme de la disparition de son père). Par une sorte de grand hasard mystique, cosmique, les fils de leurs destins finiront par s’entrecroiser.

Dieu cinéma

Ici, la finalité semble être la recherche de l’émotion pure, sans aucun second degré, presque spielbergienne dans sa générosité, son lyrisme, son cortège de regards écarquillés lancés vers la voûte étoilée. Mais la manière, elle, est pourtant résolument expérimentale, arty, funambule. Comme si les différentes facettes de Haynes étaient soudain réunies et réconciliées. Le Musée des Merveilles s’envisage comme une cathédrale dédiée au Dieu cinéma, un kaléidoscope de différents styles (muet, noir blanc, vintage seventies…), mille-feuilles d’images qui ne tiennent ensemble que par la grâce du montage et l’exceptionnelle B.O. symphonique signée Carter Burwell. Cette volonté de souder des bouts de récit épars par le simple goût de la rime, de l’association d’idées, de la musicalité, donne au film des airs de bulle de savon, aérienne, en suspension. Toujours à deux doigts d’exploser et de s’effacer aussitôt de nos mémoires. Mais très beau à contempler, le temps d’un vol plané.