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Le Golden Globe du Meilleur film étranger a échappé à La Vie d'Adèle, dimanche soir. Dans la mêlée, le film d'Abdellatif Kechiche affrontait La Chasse de Thomas Vinterberg, Le Vent se lève d'Hayao Miyazaki, Le Passé d'Asghar Farhadi et La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino. Et c'est La Grande Bellezza qui a gagné la bataille. Juste récompense pour ce film superbe, qui raconte avec une puissance plastique et sensible phénoménale la crise de la soixantaine d'un écrivain (Toni Servillo). Le Sorrentino a ainsi battu le favori La Vie d'Adèle, prenant ainsi une sorte de revanche cannoise puisqu'il était reparti bredouille de la Croisette -alors que La Vie d'Adèle remportait la Palme d'or, la récompense suprême. D'un coup La Vie d'Adèle devenait l'avatar des espoirs du cinéma français pour triompher dans les palmarès toute l'année cinéma suivante, des European Film Awards aux César en passant, of course, par les Golden Globes et les Oscars. Bref, le même parcours que l'exemplaire Amour de Michael Haneke en 2012.

Sauf que non. Déjà, le film est sorti trop tard pour être potentiellement sélectionné à l'Oscar du Meilleur film étranger (la deadline est une sortie nationale au 30 septembre ; Adèle est sorti en France le 9 octobre), poussant le CNC à choisir Renoir de Gilles Bourdos pour représenter la France à la pré-sélection des trophées. On apprenait en décembre dernier que la shortlist des sélectionnés à la nomination à l'Oscar étranger ne comporterait pas de Renoir. Le coup de grâce fut porté aux Golden Globes : en choisissant de distinguer La Grande Bellezza comme Meilleur film étranger, la Hollywood Foreign Press Association (HFPA) assure les chances du Sorrentino pour l'Oscar idoine (les trois derniers films ont tous fait le doublé Golden Globe / Oscar). Et plombe celles de l'autre film francophone, Le Passé d'Asghar Farhadi, qui représente l'Iran.

Il resterait une chance à La Vie d'Adèle : celle de concourir comme un film "normal", dans les catégories telles que Meilleur film, Meilleure actrice, Meilleure actrice dans un second rôle. Tout va bien ? A voir. Non seulement le film -sans parler des polémiques de tout poil qui ont entouré sa promotion- a été beaucoup moins remarqué et beaucoup moins apprécié aux Etats-Unis qu'en France, ce qui n'encouragerait pas son distributeur américain (Sundance Selects) à le pousser pour être sélectionné. Et si jamais il l'est, il lui faudrait affronter une concurrence féroce : côté Meilleur film, c'est soit American Bluff (vainqueur de la soirée avec 3 Golden Globes), soit 12 Years a Slave (un seul Globe et prêt à prendre sa revanche), soit Gravity (idem), soit Le Majordome (snobé par les Globes) ; côté meilleures actrices, Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos devront affronter des pointures comme Cate Blanchett (Golden Globe de la Meilleure actrice dans un drame pour Blue Jasmine), Amy Adams (Golden Globe de la Meilleure actrice dans une comédie pour American Bluff), et évidemment Jennifer Lawrence… Il faut s'y faire : l'histoire d'amour passionnée et fusionnelle de La Vie d'Adèle risque donc de ne pas traverser l'Atlantique comme l'ont fait The Artist ou Amour. On sait comment se terminent les histoires d'amour, en général.