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Depuis janvier dernier, la comédienne incarne avec une extrême sensibilité le bouleversant texte de Carlotta Clerici, Ce soir j’ovule. L’histoire d’une femme qui veut un enfant et qui, n’y parvenant pas, va subir un terrible parcours fait de souffrances physiques et morales.Propos recueillis par M-C. Nivière Ce spectacle est avant tout une histoire d’amitié entre la comédienne et l’auteure. « Je cherchais un texte à deux personnages afin de le jouer avec un homme. Vous devinez lequel… » Facile, son époux Olivier Marchal. « J’en parle à Carlotta. Elle n’a pas ce que je cherche, mais me parle d’un texte pour une comédienne. Elle me prévient que c’est quelque chose de très personnel, d’intime. Comme je lis tout ce qu’écrit Carlotta, je lui demande de me le faire lire. Je suis tombée raide dingue de la pièce. »Avouant ne pas être trop attirée par le seul en scène, mais poussée par le désir de faire entendre ces mots, Catherine Marchal décide de se lancer. « J’ai passé des mois à travailler sur le texte, sur sa structure, en imaginant comment l’interpréter, j’ai même mis quelques dialogues à ma sauce. Puis, j’ai organisé aux Mathurins une lecture pour Carlotta, son époux (le comédien Yvan Garouel), et des intimes. » Elle sourit. « Je voulais voir la tête de Carlotta… Cela a dépassé mes espérances. Ils étaient tous en larmes. Il y a eu aussi des rires et ça, je ne m’y attendais pas. La direction du théâtre m’a proposé tout de suite sa petite salle. Ironie du sort, je venais de tomber enceinte de mon fils. On a repoussé le projet. Ce qui nous a permis avec Carlotta de le peaufiner. En Italie, la comédienne Antonella Questa a gardé tout le texte. Elle fait quelque chose de très différent, plus commedia dell’arte. J’ai vu la vidéo, c’est étonnant. C’est ça la richesse du théâtre. »Même si la réalité est théâtralisée, cela doit être étrange de jouer l’histoire d’une amie. « Je voulais défendre son histoire et, par là même, défendre toutes les femmes. Il faut que les filles arrêtent de subir tout cela. » Ce long et pénible parcours pour avoir un enfant, faire de l’acte d’amour presque un acte médical. « A l’époque où l’on jouait Les acteurs sont fatigués, on voyait Yvan rentrer vite certains soirs parce qu’il y avait un O sur son calendrier. On ignorait tout, car Carlotta ne montrait rien. En lisant sa pièce, j’ai découvert ce qu’elle avait vécu. J’ai eu quatre enfants très facilement. Je pensais qu’il suffisait d’arrêter la pilule et un mois après c’était bon. Or, pour certaines, cela devient un cauchemar. »Le texte parle aussi de l’adoption. Le personnage met du temps à accepter l’idée. Il lui faut lâcher prise et comprendre que son enfant n’a pas besoin de sortir de ses entrailles. « Carlotta fait ressentir l’adoption comme une naissance. J’ai compris, grâce à elle, que l’émotion que l’on ressent en accueillant un enfant adopté et la même que celle du jour de l’accouchement. Il est ton enfant. La ressemblance, qu’est-ce que cela signifie ? Ma fille aînée ne me ressemble pas, mais alors pas du tout, ni physiquement, ni psychiquement. »Ce qui surprend dans la pièce, c’est la solitude dans laquelle s’enferme le personnage. Même son époux semble un peu dépassé. « Le mari décrit dans la pièce ne semble pas être à fond avec sa femme. Un soir, il l‘envoie promener parce qu’il a un barbecue… Par son attitude, il remet les choses à plat et rétablit de la vie dans l’histoire de ce couple et le sauve. » L’attitude de la femme frise aussi une certaine folie. « C’est comme si tu te retrouvais dans une chambre capitonnée et que tu tapais contre les murs. Toute ta vie tourne autour de ton ovulation, tes hormones, les traitements qui te font prendre du poids, provoquent des changements comportementaux… Cela peut aller loin, jusqu’à faire l’amour avec le premier venu pour voir si, là, ça marche… »Ce soir j’ovule, un titre qui claque, mais exprime clairement le sujet. « Ce fut aussi un piège, car il a une connexion avec les titres de pièces de café-théâtre. Cela a bloqué des gens… » Je ne peux cacher mon étonnement, la mise en scène est signée Nadine Trintignant, une des figures du combat des femmes. Dans les années 60, le slogan était : « Mon corps m’appartient. Un enfant quand je veux. » Or, ce n’est pas si simple. Catherine renchérit : « On fait subir au corps des femmes des choses terribles. C’est aussi un spectacle qui raconte que pour être femme, il n’est pas nécessaire d’être une mère ! Nadine a adoré le texte. Elle m’a apporté tout ce qui me manquait, une approche moins théâtrale, une simplicité quand j’allais trop dans le second degré. »Le spectacle se termine dans un grand moment d’émotion, cela doit être saisissant de recevoir la réaction du public. « La salle est petite et cela crée une intimité. Je vois les spectateurs, surtout les premiers rangs. Je découvre leurs visages, les sourires sont mélangés à des yeux humides, c’est énorme comme ressenti. Au début, les couples se tiennent droit, puis à un moment une tête se pose sur une épaule, une main prend l’autre. C’est très beau. On a bien fait de tenir bon… Aujourd’hui, on a dépassé la 170e représentation. Ce texte parle aux gens. Mon rêve serait qu’il continue avec d’autres comédiennes. » Ce soir j'ovule au Théâtre des Mathurins