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Pour son retour au théâtre, la comédienne a choisi le personnage mythique de Winnie d’Oh les beaux jours de Samuel Beckett. Un monologue délicat, une partition à la fois drolatique et bouleversante.Propos recueillis par M-C.Nivière.Winnie est un des plus beaux rôles féminins. C’était un vieux rêve ?J’avais 18 ans lorsque j’ai vu Madeleine Renaud dans la version mise en scène de Roger Blin. Un choc intégral… L’envie est venue ce soir-là. A cette époque, je commençais le théâtre et je me suis dit que je le jouerais un jour. Mais j’ai attendu d’être plus vieille, car comme le dit Beckett : «  Il faut être au milieu de la vie pour l’interpréter. » Et aujourd’hui, c’est le bon moment ?J’ai assez côtoyé la vie pour aborder le rôle. Il y a trois-quatre ans, je devais monter la pièce avec Pierre Chabert, qui malheureusement nous a quittés… Frédéric Franck désirait que l’on travaille ensemble à la Madeleine. Il m’a présenté le metteur en scène Marc Paquien, que j’ai été heureuse de rencontrer. Marc m’a proposé des textes, mais lorsque je lui ai suggéré Oh les beaux jours, il a tout de suite été partant.Beckett navigue entre deux eaux, le tragique et le drôle.C’est un peu tout, de la poésie, mais aussi un numéro de clown… Son œuvre possède un versant hilarant et un autre plus noir, c’est de la farce tragique. Il est dans le clown, pris entre deux feux. Il est le maître de l’ambiguïté. Pour moi, Beckett est au théâtre ce que Picasso est à la peinture, un choc. Ce n’est pas pour rien qu’il a cette place. Avec Marc, on trouve qu’il fait penser aux toiles de Magritte. C’est bizarroïde tout en étant attrayant.Comment abordez-vous ce monologue ?C’est un texte infini avec du sens partout… Je cherche ce qui est le plus proche de moi, de ma nature. L’idée est de rester le plus simple possible et de s’amuser, car il y a de quoi… Pour Beckett ce couple était composé d’une tortue, le mari, et d’un oiseau mazouté qui ouvre ses ailes, la femme. Elle parle à son mari que joue Pierre (Banderet). Son babil est pour lui… Lui se laisse couler et elle, elle espère… C’est très vivant et plein d’espoir.Que va donner la rencontre entre votre public et celui de Beckett ?On va voir ce que ce cocktail va donner… Mais où va-t-il y avoir un problème ? Oui, c’est fantaisiste, poétique, mais quelle vitalité, quel beau personnage, quel plaisir des mots !