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Dans Legend, Tom Hardy livre une double performance dans la peau des frères jumeaux Kray. L’occasion d'interroger la fonction de la gemellité au cinéma.

À faire rire
C’est l’objectif principal de tout bon film de jumeaux qui se respecte. La gémellité implique les échanges d’identité et les quiproquos qui vont avec. Classique : dans Double Dragon, Jackie Chan joue un chef d’orchestre et une petite frappe qui vont démanteler d’un coup d’un seul une organisation criminelle et résoudre les problèmes de cœur de l’un et de l’autre. Plus alambiqué : dans Le Jumeau, Pierre Richard s’invente un double pour séduire des vraies jumelles (Betty et Liz Kerner) qu’il ne peut donc voir que séparément. Plus énorme : Adam Sandler est un frère et sa sœur détestée dans Jack et Julie. Plus méta : Danny de Vito et Arnold Schwarzenegger sont des jumeaux de laboratoire dont l’un a de meilleurs gênes que l’autre.

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À faire peur
La deuxième fonction évidente de la gémellité au cinéma est la peur, qui se divise en sous-catégories comme l’ambiguïté et l’horreur. Jeremy Irons en gynécologues étranges dans Faux-Semblants est au top de ce classement, qui compte aussi Jake Gyllenhaal dans Enemy (il joue un type obsédé par un double parfait), Margot Kidder dans Sœurs de sang (elle interprète une schizophrène psychopathe), les frères Lukas et Elias Schwartz (bourreaux de leur mère dans Goodnight Mommy) et les sœurs Lisa et Louise Burns (visions flippantes dans Shining).

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À relever des défis techniques
Tous les films de jumeaux qui n’utilisent pas de vrais jumeaux sont des défis techniques en soi puisqu’il s’agit de rendre vraisemblable à l’écran la confrontation entre deux personnages incarnés par le même acteur, obligé de jouer les mêmes scènes deux fois dans un champ-contrechamp classique –le reste est une affaire de juxtaposition de plans et de dissimulation habile. Le cas récent de Legend est à cet égard assez impressionnant de maîtrise et se révèle le plus convaincant depuis Faux-Semblants - mentionnons aussi Armie Hammer pour son interprétation des frères Winklevoss dans The Social Network. On peut leur préférer cependant les confrontations grossières, comme celle qui oppose Van Damme à son jumeau dans Double Impact où l’un des deux Van Damme est joué par une doublure toujours filmée de dos.

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A ménager un twist (attention spoilers)
Ce n’est bizarrement pas la première utilité du jumeau au cinéma, alors qu’elle semble la plus logique. Peut-être trop facile ? Le cas le plus édifiant en la matière est celui du Prestige qui se termine sur un énième tour de prestidigitation donné par Christian Bale dont on apprend que, depuis le début, il a un jumeau tapi dans l’ombre qui l’aide à mystifier son monde. Évoqués plus haut, Enemy et Sœurs de Sang, deux films sur la maladie mentale, révèlent également leur vraie nature à la fin, procurant un léger vertige. Même chose pour les jumeaux joués par Seann William Scott dans Southland Tales qui ne sont pas ce qu’ils semblent être…

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À livrer une grande performance
La complexité d’incarner des jumeaux va de pair avec un désir de reconnaissance par ses… pairs. Quand l’acteur le plus fou de sa génération, Nicolas Cage, rencontre l’auteur le plus dingo du moment, Charlie Kaufman, ça donne Adaptation, mise en abyme totale dans laquelle le premier joue le second qui s’invente un faux jumeau également incarné par l’acteur, au maximum de la bipolarité -mais pas assez pour décrocher l’Oscar une seconde fois. Juste avant de devenir bankable, Marion Cotillard jouait des jumelles dans Les jolies choses, histoire de montrer qu’elle valait mieux que la potiche des Taxi. Même s’il n’a jamais de scènes avec lui-même, Paul Dano électrise chaque séquence de There will be blood où il apparaît, qu’il soit l’homme d’affaires ou son jumeau catho intégriste. Clairement l’acte de naissance d’un performance actor

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Legend de Brian Helgeland avec Tom Hardy, Emily Browning, David Thewlis sort en salles le 20 janvier