Harry Potter à l'école des sorciers
Warner Bros. France

Notre dossier 40 ans de blockbusters

"Monsieur Potter... Notre nouvelle célébrité". Rogue ne croyait pas si bien dire ! En 2001, Harry Potter est plus qu'un succès, c'est un phénomène planétaire. 974 millions de dollars récoltés dans le monde dès le premier volet d'une saga, c'est énorme. Et ça place la barre extrêmement haut pour la suite. Seul l'ultime épisode fera mieux dix ans plus tard en franchissant la barre symbolique du milliard. Durant une décennie, Harry Potter connaîtra cependant un énorme succès, récoltant entre 796 millions de dollars (l'épisode le plus faible est Le Prisonnier d'Azkaban, paradoxalement le plus créatif) et le milliard des Reliques de la Mort partie 2, donc.

Avant de faire un carton au cinéma, l'univers créé par J. K. Rowling bat des records en librairie. C'est donc déjà un phénomène avant même de débarquer au cinéma, ce qui changera largement la donne à Hollywood, les majors cherchant après lui des sagas littéraires à succès à adapter. Des valeurs sûres qui marcheront quoi qu'il arrive comme Twilight ou Hunger Games. Mais même ces franchises au succès quasi-garanti n'ont jamais atteint le niveau de Harry et ses amis, totalement indétrônable dans ce registre. Il faut chercher du côté des Marvel pour trouver des adaptations qui cartonnent encore plus que Harry...

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Harry Potter est loin d'être parfait, mais il a tout de même des qualités indéniables qui en font un début de saga globalement réussi. Autour de trois acteurs en herbe qui ne jouent pas toujours très bien -heureusement que Daniel Radcliffe, Emma Watson et Rupert Grint s'amélioreront par la suite, car certaines scènes, notamment celles des échecs, sont assez difficiles à regarder- les seconds rôles sont tous des pointures du cinéma britannique, qu'ils jouent des sorciers ou des moldus. D'Alan Rickman (Rogue) à Maggie Smith (McGonagall) en passant par Robbie Coltrane (Hagrid), Richard Harris (Dumbledore, qui sera remplacé par Michael Gambon à sa mort à partir du n°3), Fiona Shaw (Pétunia) ou Warwick Davis (tellement grimé pour jouer le professeur Flitwick qu'il sera aussi le gobelin Gripsec par la suite), le casting est un sans faute. La Warner recrutera des acteurs toujours plus populaires au fil des épisodes, comme Gary Oldman en Sirius Black, Helena Bonham Carter en Bellatrix et bien sûr Ralph Fiennes en Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom.

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Globalement, ce premier épisode est féerique. Harry découvre le monde de la magie, les yeux écarquillés et le sourire aux lèvres, tout comme les spectateurs. C'est un épisode enfantin, premier pas dans un univers enchanteur qui deviendra de plus en plus sombre. La musique de John Williams, parfaite, participe à faire rêver le public. Il ne remportera pourtant pas d'Oscar pour ce film, la statuette étant allée en 2002 à Howard Shore pour sa composition -également géniale- du Seigneur des Anneaux. La trilogie de Peter Jackson sera la grande concurrente des débuts de Harry Potter. Celle qui remporte des prix (notamment le 3e opus, célèbre pour ses onze Oscars), là où Harry doit se contenter du succès public.

Harry Potter : 8 films, 0 Oscar

Il faut dire que la saga initiée par le producteur David Heyman est plutôt décousue. Il existe une certaine cohérence étant donné qu'elle a été filmée au même endroit avec les mêmes comédiens, et qu'elle a gardé son côté "britannique à tout prix" tout en ayant des budgets dignes des plus grosses productions hollywoodiennes. Elle changera tout de même quatre fois de réalisateurs en 8 films, et cela se ressent fortement sur son style visuel. Contrairement aux épisodes du Seigneur des Anneaux, pensés comme un ensemble cohérent, Harry Potter n'a pas vraiment de fil conducteur en matière d'esthétisme ou de mise en scène. Si les décors, costumes etc. sont travaillés, ils évoluent au fil de l'histoire. Le château de Poudlard gagne/perd des ponts et des tours en cours de route, par exemple (et encore, c'est un détail par rapport à certains trous scénaristiques, on y reviendra dans deux paragraphes).

Le problème vient peut-être du fait que dès le premier épisode, la production ne choisit pas un réalisateur avec un style marqué, mais plutôt un faiseur habile sans trop de personnalité. N'insultons pas Chris Columbus, qui est doué et qui avait déjà fait rêver les gamins avec Maman j'ai raté l'avion ou son scénario des Goonies, entre autres, mais ce n'est pas Steven Spielberg ou Terry Gilliam, qui ont un temps été sur le point de le mettre en scène. Le premier rêvait d'adapter Harry avec Haley Joel Osment, le jeune garçon de A.I et de Sixième Sens, en sorcier à lunettes, mais l'auteur des romans voulait absolument que le rôle soit tenu par un anglais, et non un américain. Quand elle a refusé le jeune comédien, le cinéaste a laissé tomber le projet. Quant à Terry Gilliam, fidèle à son image, il aurait aimé construire un univers plus fou. Pour le coup, J. K. Rowling aurait apprécié ses idées, mais c'est la Warner Bros qui aurait imposé un réalisateur "plus classique"

Ajoutez à cela des passages entiers du livre qui disparaissent et vous obtenez un premier épisode décevant pour une partie des lecteurs. La romancière a fait savoir qu'elle était satisfaite du résultat, même si son livre était plus complexe que le film, mais à la décharge de Columbus et de ses producteurs, l'équilibre a dû être assez difficile à trouver, tant le début de Harry Potter est enfantin par rapport à ses suites. Au sein des livres, c'est progressif, alors qu'au cinéma, il y a une véritable cassure entre les deux premiers épisodes, mis en scène par Columbus, et le suivant, réalisé par Alfonso Cuaron. Il propose un film plus sombre, à la fois dans l'esthétique et dans son traitement de l'histoire. C'est le seul épisode à oser se détacher autant du roman pour y apporter un style particulier. A l'inverse, La Coupe de Feu de Mike Newell oubliera des pans entiers du livre non pour des raisons esthétiques mais pour des questions de durée. Et le sixième film préférera insister sur les amourettes des ados, plutôt que d'explorer la jeunesse de Voldemort, très importante et détaillée dans les pages du Prince de Sang Mêlé.

Le Seigneur des Anneaux et Harry Potter, sortis à la même période, ont prouvé de deux manières différentes à quel point il était difficile d'adapter sur grand écran des monuments de la littérature. En s'attaquant au grand classique de Tolkien, Peter Jackson a cherché l'exhaustivité, allongeant l'intrigue, étant le plus précis possible, quitte à se frustrer pour les versions ciné et à ne montrer sa vraie vision qu'au sein des versions longues des DVD. Sur les films tirés des romans de J. K. Rowling, c'était un peu l'inverse. La production a souvent cherché à simplifier l'histoire très détaillée, et a perdu au passage de belles scènes (le passé de Voldemort, la lutte des Elfes de maison, l'histoire de la famille de Neville ou l'avenir du professeur Lockhart, entre autres).

L'aventure était cependant trop belle et trop lucrative pour s'arrêter là. Sans surprise, la Warner Bros travaille actuellement sur des spin-offs. Trois films qui se dérouleront bien avant la naissance de Harry, et qui sont scénarisés directement par J. K. Rowling sans passer par la case roman. Un nouveau pari pour l'équipe, puisque ce coup-ci, les lecteurs ne pourront pas comparer à un livre existant (ou très peu, car Les Animaux Fantastiques, à la base de cette future trilogie, est un bestiaire très court et peu romancé). L'idée est ambitieuse : étendre l'univers de Harry Potter à d'autres pays (notamment les Etats-Unis), parler ainsi d'autres types de magie (celle des Indiens, des Chamans ?) et surtout présenter des créatures inédites, puisque le héros de ces spin-offs, Newt Scamander, est un magizoologiste chargé de recenser les dragons, sirènes et autres licornes. Quinze ans après les prises de vue de Harry Potter, cette nouvelle aventure s'apprête à commencer. Son tournage démarrera lundi, au sein des studios Leavesden, là où ont été tournés les 8 films entre 2000 et 2010.

Elodie Bardinet (@Eb_prem)