Rey Star Wars Daisy Ridley
The Walt Disney Company France

L’épisode 9 de Star Wars est désormais disponible en home cinéma, notamment dans une édition 4K Ultra HD. La saga Skywalker chez Disney s’est achevée. Pour quel résultat ?

C'était une période de guerre civile. Le fandom de Star Wars était coupé en deux par Les Derniers Jedi : d’un côté, celles et ceux qui avaient acclamé la vision de Rian Johnson ; de l’autre, celles et ceux qui avaient hurlé à la farce et à l’hérésie. Deux camps inconciliables. Dans ce contexte, la sortie du mollasson Solo : A Star Wars Story ressemblait à la mise en ligne d’un film de fan sur YouTube. De fait, le spin-off de Ron Howard a réalisé les pires chiffres de toute la série de films Star Wars sur grand écran (soyons justes, seul Star Wars : La Guerre des clones – film d’animation de 2008 – a fait pire, et rappelons que le téléfilm L’Aventure des Ewoks est sorti dans certaines salles en 1984 et n’a certainement pas fait mieux). Il fallait que Lucasfilm gagne la guerre Star Wars sur une ultime victoire. Colin Trevorrow, réalisateur de Jurassic World qui devait signer l’épisode 9, est remercié. JJ Abrams reprend la main. Sa mission : conclure la postlogie Star Wars sous pavillon Disney sur un triomphe, achever ce qu’il avait commencé en 2015 avec Le Réveil de la Force. La flamme de Star Wars a été ranimée. Allait-elle s’éteindre ?

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LES MORTS PARLENT. Plusieurs mois après sa sortie en salles, revoir L’Ascension de Skywalker permet surtout, à tête reposée, de comprendre à quel point le film souffre avant tout d’un problème d’écriture. Après un prologue vigoureux et excitant où l’on saute de planète en planète à la vitesse de la lumière, on passe d’une scène à une autre sans grande cohérence, suivant la poursuite de trucs illogiques (la dague sith dont le tranchant correspond à la carcasse de l’Étoile noire...), les personnages agissant de manière contradictoire par rapport aux deux premiers épisodes... Difficile de ne pas imaginer que le film a été pensé et construit contre Les Derniers Jedi : le fantôme de Luke réagissant ainsi à la destruction de son sabre laser [Luke l’avait jeté par- dessus son épaule sans le moindre scrupule] en déclarant : "L’arme d’un Jedi mérite plus de respect." Malgré tous les efforts du scénariste Chris Terrio pour nier la chose ("Les gens qui y voient une dispute méta entre J. J. et Rian sont à côté de la plaque", assurait-il en décembre à The Hollywood Reporter), le ressenti est là. Les manquements dans le scénario de L’Ascension de Skywalker paraissent tellement grands que J.J. Abrams et son équipe ont passé les jours suivant la sortie en salles à se justifier et s’expliquer tandis que les produits dérivés de contexte (romans, bandes dessinées, recueils d’illustrations) se chargeaient de remplir les trous narratifs, même ceux dont on n’avait pas idée. Saviez-vous que la voix de Palpatine était apparue dans une diffusion live du jeu vidéo Fortnite le 14 décembre, quelques jours avant la sortie américaine ? Et que c’est à cette opération promotionnelle – pardon, à ce message ! – que le texte déroulant d’ouverture du film ("The Dead Speak !") fait référence ? Même ce genre de placement de produit inversé n’empêche pas les films du Marvel Cinematic Universe de se suffire à eux-mêmes. Disney avait opéré un "grand reboot" en avril 2014 en déclarant que seuls les six premiers films étaient l’Évangile et que tout le reste était apocryphe. La mythologie Star Wars semble de nouveau éparpillée et vidée de sens.

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Il reste difficile de reprocher à J. J. Abrams d’avoir réalisé un film pour les fans : Les Derniers Jedi était aussi un film de fan ultime, puisqu’il s’emparait de la mythologie pour la faire sienne, Johnson livrant sur grand écran son fantasme de Star Wars. Dans ce cas-là, ça tombait bien, puisque cela faisait des Derniers Jedi un spectacle surexcitant et novateur qui emmenait la saga vers des territoires inconnus, pour la première fois depuis L’Empire contre-attaque. L’Ascension de Skywalker s’envisage aussi comme un film de fan, mais son principal problème est qu’il ne s’en- visage pas comme un film. Johnson brûlait la vieille mythologie pour faire du neuf ; Abrams "ressuscite" Palpatine pour faire bégayer l’histoire. On songe à ce moment de l’histoire de Star Wars où Gary Kurtz, producteur des deux premiers films, avait été remercié par George Lucas, officiellement pour des questions de dépassement de budget sur L’Empire contre-attaque, officieusement parce qu’il ne voulait pas que Le Retour du Jedi comporte une Étoile de la mort et reprenne la même recette qu’en 1977...

LA FIN D’UNE SAGA. Au-delà de la simple réception critique, les chiffres sont sans appel. L’Ascension de Skywalker a rapporté 1,07 milliard de dollars dans le monde, alors que Les Derniers Jedi atteignait 1,3 milliard et que Le Réveil de la Force dépassait les 2 milliards. Pas besoin de droïde astromech pour voir que la postlogie a suivi une courbe descendante au box-office. Trop de films, sortis trop vite, vidant peu à peu Star Wars de ce qui faisait sa force : créer l’événement, l’inattendu, le spectaculaire, le grandiose... Pendant ce temps, internet devenait fou à cause de la bouille de Baby Yoda dans The Mandalorian, que les fans se sont mis à adorer, un peu par accident, contre L’Ascension de Skywalker. Résultat, Disney semble vouloir mettre le paquet sur un Star Wars à destination du jeune public sur Disney+. Voilà, l’épisode 9 est sorti. La bataille est terminée. La guerre continue. Elle ne prendra sans doute jamais fin.

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