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Dans L’Étrangère, de Feo Aladag, Sibel Kekilli crève l’écran en mère musulmane défiant sa famille. Un rôle sur mesure pour cette Allemande d’origine turque au parcours atypique.Mariée à un Stambouliote violent, Umay décide de le quitter pour rejoindre sa famille, installée en Allemagne. Mais avoir déserté le domicile conjugal attire le déshonneur sur elle et les siens, l’obligeant à fuir de nouveau... Il y a beaucoup de points communs entre L’Étrangère, premier long métrage coup de poing de Feo Aladag, et Head-on, le chef- d’œuvre de Fatih Akin, sorti il y a sept ans. Dans les deux films, Sibel Kekilli incarne une "mauvaise" musulmane qui, sous peine d’être exclue de sa communauté, se voit obligée d’adapter son mode de vie à des critères religieux qu’elle trouve liberticides. L’œil noir, la silhouette fragile mais déterminée, la comédienne allemande livre, dans les deux cas, des prestations totalement habitées qui lui ont valu plusieurs prix de la meilleure actrice dans son pays.Juste CausePourtant, en dépit des apparences, rien n’a jamais été simple (et ne le sera peut-être jamais) pour Sibel Kekilli. Au lendemain du triomphe de Head-on au festival de Berlin, en 2004, le journal Bild, fleuron de la presse tabloïd locale, dévoile le passé caché de la jeune actrice, qui a débuté dans le porno. Reniée par sa famille et par la communauté turque, Sibel adhère alors à l’organisation allemande Terre de femmes, qui lutte contre les crimes d’honneur perpétrés à l’encontre des musulmanes. Mais son combat divise. En 2006, elle décrète que "la violence fait partie de la culture islamique", ce qui provoque la colère du consul turc en Allemagne... Héroïne moderne pour les uns, diable en jupon pour les autres, Sibel Kekilli continue ensuite de travailler, mais sans grand succès. Jusqu’a ce que sorte L’Étrangère, qui rafle un nombre considérable de prix dans le monde entier et lui permet d’obtenir un second rôle dans Game of Thrones, la remarquable série de HBO, où elle interprète... une prostituée. Son rêve ? Tourner en France, dont elle suit le cinéma avec attention. L’appel est lancé.Christophe Narbonne